Quiconque est familier avec la Comédie Humaine connaît l'inquiétant Gobseck, usurier de Paris. Celui-ci a en effet tendance à apparaître lorsque le héros principal d'un récit fait face à de graves problèmes, c'est à dire à un manque de liquidités. Balzac n'hésitait d'ailleurs pas à dire que Gobseck était l'incarnation même du capitalisme et de l'argent, ces derniers prenant de plus en plus de place dans la société du XIXème siècle. Plus qu'un individu, Gobseck est avant tout une idée, une entité diffuse. Il est donc intéressant de lire cette nouvelle sur ce personnage ô combien important dans l'univers balzacien.
La première chose qui surprend lors de la lecture, c'est que même si certains pans de la vie de l'usurier sont révélés, Balzac s'arrange toutefois pour laisser un voile de mystère épais autour de ce personnage. En effet, on apprend finalement peu de choses sur celui-ci, si ce n'est qu'il a voyagé à travers le monde. Tel un personnage sadien, il a goutté à toute sortes d'expériences et la seule chose qui l'intéresse désormais, est de ressentir le pouvoir qu'il détient sur les autres, surtout les puissants, ce pouvoir s'incarnant dans l'argent.
Il éprouve un plaisir pervers à exercer son métier, aimant voir les gens s'humilier et s'avilir pour un prêt. Par contre, il peut aussi parfois se montrer généreux en aidant des personnes qui lui font confiance et écoutent ses conseils. Cette ambivalence lui donne l'image de l'un de ces lutins facétieux de contes de fées qui peuvent à la fois vous aider ou vous jouer de mauvais tours.
Bref, en terminant la nouvelle, on se rend compte à quel point Gobseck est un personnage complexe dont l'essence nous échappera toujours. Ce choix narratif de la part de Balzac est selon moi une excellente trouvaille, car cela permet d'amplifier le mystère planant autour de l'usurier le plus connu de Paris.