Avantages : une liberté de ton
Inconvénients : réalité parfois trash
Lorsqu’en 2006, Roberto Saviano, écrivain et journaliste italien, sort Gomorra, l’accueil du public a été spectaculaire. Parler aussi librement de la camorra, la mafia napolitaine a permis à l’Italie, mais également au reste du monde, de comprendre la vraie dimension de cet empire criminel. Courageuse et réaliste, cette enquête que la tentation de romancer n’a que très peu touchée l’auteur serait de nos jours qualifiée de proprement suicidaire, quand on connaît rétroactivement tous les crimes commis par l’organisation et combien elle n’apprécie pas d’être mise sur le devant de la scène.
L’auteur a pénétré quelques clans mineurs et a ainsi pu voir toute l’étendue du pouvoir de la camorra. On y découvre ainsi ses relations avec le monde politique et industriel, par exemple au travers de la haute couture italienne qui sait parfois fermer les yeux sur la contrefaçon quand ses façonniers sont avant tout des travailleurs de la mafia. Et puis Naples est un port par lequel les tissus, les matières du monde entier transitent, et parfois se perdent.
Quand on commence la lecture, on se dit que, somme toute, il s’agit d’un système parallèle qui permet d’insérer, de faire vivre des individus à qui la société italienne n’a pas donné sa chance, mais plus on avance, plus on découvre la face violente. On arrivera ainsi à une longue énumération, particulièrement de détaillée, de crimes commis lors d’un guerre de clan où tous les outrages peuvent être permis. Ces parrains, hommes du paraître, n’hésitent jamais à autoriser les pires crimes pourvu que leur image en sorte grandie.
Les trafics divers, les gamins qu’on enrôle pour faire le sale boulot, les victimes collatérales, tous ces sujets nous amène peu à peu à avoir de moins en moins de tolérance à l’endroit de cette pieuvre. Et les policiers italiens apprirent eux aussi à être impitoyables avec ces criminels. L’aspect qui m’a le plus intéressé dans cet essai est avant tout l’approche ultralibérale de ces trafics. Pousser les règles du libre-échange dans des limites que même les capitalistes les plus cupides n’osent pas franchir.
Cet ouvrage a inspiré un film qui a reçu le Grand Prix du Festival de Cannes en 2008 et une série en a été tiré et diffusée en France sur la chaîne Canal Plus à partir de janvier 2015. J’ai évoqué plus haut la tentation de romancer à laquelle l’auteur a résisté, mais il n’est pas nécessaire de faire trop d’efforts quand la réalité dépasse au-delà de toute espérance toute œuvre de fiction.