La camorra est partout, et pas sous la forme qu'on croit. Pour ce message de fond, ce livre est important et redonne la parole à celle qui l'on perdue, sous les balles ou par l'omertà.
Malheureusement, et à juste titre, on met souvent en avant le côté sensationnel, les histoires de test d'héro sur des camés utilisés comme rats de laboratoire, les règlements de compte sanglants, les containers remplis de cadavres. Saviano joue lui même de ça, en réservant une place particulière à ces histoires dans la narration, pour qu'on retienne et qu'on ne se contente pas de lire une longue enquête à la forme plutôt rébarbative. Or le travail est là, la documentation des procès de l'antimafia, l'histoire de la constitution des mouvements criminels et de leur boss, la collusion avec les mouvements politiques. C'est assurément un ouvrage bien abouti, dont la recherche mérité d'être saluée.
La camorra en elle-même n'est pas cinématographique, contrairement à ces siciliens dépeints par Coppola. Essayez de filmer pendant une heure dans les rues de Naples les gars qui demandent de l'argent aux touristes pour garer leurs voitures, ce n'est pas le sujet le plus passionnant. Malgré tout, c'est la pointe de l'iceberg que Saviano expose dans Gomorra. Même s'il parle d'une chose qui n'est pas la réalité du terrain (ce que dénoncent les maires des communes périphériques de Naples quand ils se plaignent de la mauvaise image engendrée par le livre et ses adaptations sur divers supports), il nous donne dans une certaine mesure ce que nous ne pouvons pas connaître, les mécanismes cachés du système.
Rien ne distingue aujourd'hui le camorriste ou le mafieux d'un chef d'entreprise lambda, et le rôle le plus dangereux de la littérature est de pouvoir faire tomber les masques.