Comme tout le monde, porté par la communication publicitaire extrêmement efficace de Ring et de l'auteur lui-même, à grand renfort de "le livre est boycotté par les médias", "les libraires refusent de vous le montrer" (faites moi rire, des trois espaces culturels/libraires que j'ai arpenté - certains dans des lieux vraiment "perdus" de l'Auvergne, il était en tête de gondole) et de photographies d'un goût plus que douteux faisant craindre le pire quant à son lectorat, je me suis procuré le dernier Obertone. Un bonhomme étrange, s'il en est. J'avais apprécié son "La France Orange Mécanique", dans son ton froid et simplement énonciatif de faits, qui filait un peu la chair de poule. J'avais par contre détesté "La France Big Brother", que j'avais trouvé pataud et d'une prétention insupportable. "Guerilla" allait-il rattraper le tout ? Tant de gens ne pouvaient avoir tort.
Autant j'avais apprécié le ton direct et froid de "La France Orange Mécanique", autant j'en ai maintenant la certitude : Obertone ne sait vraiment pas écrire de roman. Le style est toujours aussi pompeux et pataud, phrases courtes débitées de façon sentencieuses, de lourdes images et métaphores filées péniblement - on aurait presque l'impression que l'auteur relisait son fichier .txt toutes les trois secondes, fier de ses effets. Qu'on compare ce mec au génie de Céline m'effraie un peu. Si la construction du roman est objectivement bien foutue, en forme de chronologie plutôt serrée (maintenant ainsi le rythme) le tout est mis en scène de façon vraiment pompeuse, notamment par cette manie de mettre une citation avant chaque chapitre (sachant que ces derniers font cinq à huit pages). Obertone aurait-il fait une overdose d'Evene ? Je n'en sais rien, mais quand on voit Céline, Martin Luther King, Gandhi ou César se côtoyer dans un gloubi-boulga idéologique, on choppe vite des crampes à l'estomac.
Ce qui m'a le plus gêné dans ce nouveau bouquin d'Obertone, c'est qu'il semble y régler courageusement ses comptes, bien planqué derrière les rangs de ses soldats virtuels, en de pénibles caricatures, au mieux amusantes (les militants de gauche, pour y avoir longtemps traîné mes semelles, j'en ai reconnu quelques uns), au pire juste ridicules (le mec s'appelle Jean-Rachid, svp). La gauche et la "bien-pensance" sont systématiquement tournées en dérision, ce qui pourrait être très drôle si l'auteur n'en faisait pas à ce point des caisses, en rajoutant systématiquement : militante no-border, végane, anti-patriarcale, pacsée avec un noir, anti-flics, blablabla. Vous vous souveniez, étant gamin, les concours d'insultes entre camarades ? "Guerilla" me fait un peu cet effet. Sauf qu'il a été écrit par un adulte. En fait, non, ce qui m'a le plus gêné, ce n'est pas qu'il a heurté ma "bien-pensance" (surtout que j'en ai strictement rien à foutre), mais surtout qu'un bouquin aussi mal écrit, malgré un fond qui aurait pu être très intéressant s'il avait été bien exploité, fasse autant parler de lui. Amusant de voir que ce monde de la "communication" qu'Obertone critique autant dans "Guerilla" soit son arme de prédilection dès lors qu'il s'agit de vendre du papier.
Je passe volontairement sur le fait qu'Obertone, Cassandre identitaire en devenir, joue sur le racisme et la peur pour faire vendre du papier. Chacun possède son opinion sur le sujet, et "les avis, c'est commes les trous du cul", hein. Rien que la dédicace du début est révélatrice : "A ceux qui n'ont pas compris". Passez juste sur la page de Ring ou de l'auteur, pour vous rendre compte que la moindre critique à l'encontre du bouquin vous verra vous faire insulter de "Gauchiste".
Si l'on se base uniquement sur le contenu de "Guerilla", la note est justifiée : un sujet de fond effrayant, intéressant et qui donne à réfléchir, traité de façon indigente par un auteur qui, s'il excelle dans l'écriture "directe" (son premier livre en est la preuve), ne sait définitivement pas écrire de roman sans en mettre partout et éclabousser le lecteur d'images lourdes, de tournures de phrases hautaines, donnant l'impression de ce prof de philosophie complètement mégalomane, dispensant la bonne parole à ses ouailles. Dommage, car on tenait un semblant de rythme et d'intensité, gâchés par une manie qui confine à l'obsession de vouloir charger à outrance ceux que les fans de l'auteur qualifieraient de "chiens de garde du système". La hype est injustifiée, le succès de ce bouquin aussi. Au suivant.