Dans la cité Taubira de la Courneuve, une descente de police tourne au drame : un policier pris dans un guet-apens perd son sang-froid et tire aveuglément.
La cité s'embrase et tout le pays vacille. De villes en villes, le feu se propage et la République explose.
Guerilla - Le jour où tout s'embrasa est un roman dystopique de Laurent Obertone ( La France orange mécanique...) publié en septembre 2016.
En préambule, je tiens à préciser que Guerilla est un livre clivant. En fonction de ses convictions, cette dystopie peut plaire comme elle peut considérablement irriter le lecteur.
Sortant de la lecture de 2 bouquins particulièrement bien écrits mais exigeants (Les deux étendards et Le désespéré), je dois reconnaitre que Guerilla m'a plutôt séduit et, je l'avoue, satisfait mon goût pour une certaine facilité de lecture.
Thématiques contemporaines
Laurent Obertone a été plutôt malin dans son entreprise littéraire. Il a finement analysé les sociétés occidentales et leurs nombreuses faiblesses et s'est inspiré des évènements géopolitiques du milieu des années 2010: attentats terroristes en Occident, montée en puissance de Daesh et sa tentative de reconstruction du Califat au Moyen Orient sur fond de conflits et de tensions liés aux trafics dans les cités de l'Hexagone, montée en puissance des mouvements défendant les minorités et l'individu contre l'intérêt général (Vegan, LGBT....) et de certains courants de pensée (cancel culture). L'ensemble de ces minorités va faire bloc derrière les agresseurs ce qui rend la tâche d'un Etat croupion et faible encore plus délicate....
L'ensemble de ces évènements lui permet de construire une fiction effrayante et radicale dans laquelle la France bascule en 3 jours dans le chaos.
Après une bavure policière dans une cité condamnée aussitôt par l'ensemble des acteurs politiques et associatifs, le pays doit faire face au soulèvement des bandes dans les cités mais aussi dans les provinces les plus reculées.
Les "jeunes" armés s'en prennent aux populations et les exactions se multiplient si bien que certaines régions de France connaissent des évènements dramatiques comparables à ceux qui se sont passé le 10 juin 1944 à Oradour sur Glane. Le conflit du Califat situé en Syrie et en Irak s'invite sur le sol national avec des exactions tout azimuts. L'Etat ne peut plus garantir la sécurité de ses citoyens.
Laurent Obertone décrit avec des chapitres courts et un style plutôt alerte, teinté d'ironie, le chaos qui s'installe dans le pays tout en brossant quelques portraits savoureux des différents protagonistes qui connaitront, pour la plupart, un sort funeste. Cela va notamment de Zoe, la jeune étudiante de Sciences Po vegan pro migrants à Noah son amoureux transi antifa qui partage ses convictions en passant par un homme qui entend des voix dénommé Nawad qui partira dans une expédition punitive contre les "croisés"....en commençant par les clients du magasin Ikéa Paris nord Roissy .
Laurent Obertone a plutôt finement caricaturé les élites de 2028. Le gouvernement comprend un ministère du très bien vivre ensemble et on célèbre jusqu'au sommet de l'Etat en permanence le grand enrichissement des banlieues. L'endroit où tout s'embrase est la cité Taubira, l'ancienne ministre de la justice aura même marqué de son empreinte les territoires de la République...
Les adeptes pragmatiques et masochistes du "jusque là tout va bien", de la repentance et de la génuflexion peuvent donc être rassurés. A défaut d'être rassurante, la gestion à venir des affaires brossée par Obertone est politiquement correcte.
Derrière la fiction (Extraits)
Laurent Obertone débute son propos par une courte citation dans laquelle le ton est donné: " A ceux qui n'ont pas compris ". Il décrit une population blanche établie faible et quasi suicidaire qui attend le grand remplacement:
«Une foule brandissait des pancartes «Refugees welcome» et scandait: «Remplacez-nous! Remplacez-nous!»
A propos de Zoé qui culpabilise en permanence le fait d'être belle, blanche et aisée:
«Elle était blanche, aisée, elle faisait partie des oppresseurs. Mal à l’aise, elle pensait payer là une sorte d’impôt sur sa couleur.»
Renaud, le père de Zoé est éditorialiste et à gauche de l'échiquier politique. Cela ne l'empêche pas d'être inquiet et prévoyant:
Renaud Lorenzino, «un des plus grands éditorialistes du pays», agite la menace de l’ultradroite mais prépare son départ à l’étranger.
Evoquant les agresseurs, Obertone exclut la langue de bois. Il parle de jeunes qui s'expriment «dans un sabir incompréhensible», d’autres étant identifiés comme «de jeunes subsahariens», ils s’appellent Jawad, Djibril ou Aboubakar. L'auteur allume plutôt intelligemment un contrefeu en décrivant le parcours d'un identitaire qualifié de «débris d’humanité, un hybride de haine, de revanche et de folie, un sauvage dégénéré», plutôt doué dans ses entreprises assassines.
Certaines analyses sont lucides:
Parlant de la lâcheté toujours plus grande des gouvernants
* "Le Français prétend que la violence ne résout rien, parce qu'il croit que sa lâcheté a tout résolu." *
Quant à l'attitude des pouvoirs publics avant l'embrasement:
"L'union nationale, c'est une sorte d'état d'urgence de la pensée unique. "
Effectivement, on peut légitimement s'interroger sur la résilience d'un pays dont de nombreux ressortissants ont, après les évènements du Bataclan en novembre 2015:
-pleuré devant des bougies,
-scandé aux commanditaires des attentats: "Vous n'aurez pas ma haine"
Cette dystopie puise de nombreux ressorts narratifs dans le réel, elle est troublante car elle renvoie systématiquement son lecteur vers une certaine actualité. Compte tenu de l'état de tension du pays mais surtout du déni de ceux sont aux responsabilités (Et ce n'est pas nouveau), cette fiction très exagérée n'est pas sans interroger...
A l'heure de la faillite du régalien, de la déconstruction de l'histoire, de la repentance systématisée du monde occidental et de l'écriture inclusive, la fiction Guérilla le jour où tout s'embrasa est plutôt distrayante même si elle se révèle moins réaliste que le sage Soumission de Michel Houellebecq.
Ma note: 7/10