Charbon ardent du moment, notamment du fait de la stratégie de com' de l'éditeur RING ( Qui n'en n'est pas à son coup d'essai, il n'y a qu'à voir le buzz autour de Marsault ) GUERILLA se place en tant que dystopie moderne, se situant dans une France quelque peu futuriste voire carrément contemporaine.
Le scénario se vaut racoleur : on aboutit rapidement à une guerre civile entre les jeunes de banlieue et... tout le reste des français. Surfant sur les stéréotypes et les problématiques de société actuelles ( les réfugiés, le terrorisme, les activistes d'ultra gauche .. ), le roman ne manquera pas de faire polémique si on s'en arrête à une lecture simple sans recul critique. Les apeurés des banlieues et autres craintifs de la peau basanée en feront une bible annonciatrice de "l'apocalypse à venir" , leurs adversaires politiques le relégueront sans doute en tant que navet, sur lequel l'auteur appose une étiquette de dystopie afin de pouvoir cracher sa haine de l'autre gratuitement. Grand bien leur fasse.
Pour moi l'intérêt de l'oeuvre est ailleurs. Il est tout d'abord compliqué de la prendre au premier degré, quand on sait que le grand méchant s'appelle "Jean-Rachid", que les ados de la Courneuve ont tous des lance-roquettes ou quand on observe le portrait des personnages : caricaturaux au possible, emplis de bêtise, mais toujours inspirés d'éléments réalistes. Selon ses opinions et son bord politique on se complaira donc à se moquer du portrait d'activistes d'ultragauche, fils de bourgeois notoires, défenseurs d'un milieu social qu'ils ne connaissent pas et acteurs de "sit-in pour l'instauration des piscines en prison" ; de déclarations de médias toutes plus loufoques les unes que les autres mais toujours très politiquement correctes, du président plus inquiet pour sa réélection et ses soirées avec des prostituées que par la situation dans le pays ou encore du portrait d'un jeune Arménien à la recherche d'existence et de personnalité qui défend donc les valeurs de l'extrême droite plus par résignation qu'autre chose.
En dehors de ces portraits qui,peuvent prêter à sourire, se dresse celui du 'colonel' incarnant la France 'modérée' oscillant entre l'action représentée par son petit-fils, psychopate notoire décidé à exterminer tous les activistes de gauche et par la passivité de sa femme, davantage préoccupée par le choix de sa bannière Facebook ( "je suis les jeunes" ou "je suis Taubira") que par une réelle étude des événements. Loin d'être un héros chacun se retrouvera dans sa peau, à se demander ce qu'il ferait en cas d'une telle crise.
Des 57 chapitres composés de quelques pages, imposant un rythme haletant, il reste une oeuvre froide, qui se dévore rapidement, pas écrite avec brio, avec un style très épuré mais néanmoins très efficace. Sans être l’analyse sociologique qu'on nous a vendu, GUERILLA demeure un pamphlet contre les médias, les classes politiques, l'ignorance de la jeunesse mais surtout contre la France 'passive', celle qui se complaît dans la situation actuelle, ne s'inquiétant de rien, se confortant derrière la pensée qu'on lui impose et qui vit heureuse tant qu'elle est dans sa coquille.
Sans avoir à l'esprit qu'elle pourrait si rapidement éclater.