Et le vivant est toujours plus fort que le mort
Que dire...
Jean-Louis Costes c'est un artiste que j'ai découvert il y a plus d'une année, je saurais pas dire combien exactement. En fait c'est mon fanatisme de Mendelson qui m'y a amené. Sachant que Pascal Bouaziz (chanteur de Mendelson donc) a repris une chanson de Costes avec Michel Cloup... Il fallait que j'en sache plus, qui est ce mec que deux auteurs de textes si beau et touchants du monde de la musique francophone reprennent ensemble?
"Seule la musique" qu'elle s'appelle la chanson.
"L'homme est une ordure, l'homme est une merde" c'est comme ça qu'elle commence.
"Seule la musique est un soulagement" c'est comme ça qu'elle continue.
Autant te dire que je ne m'attendais pas à ce sur quoi je suis tombé. Au départ, tu te doutes bien que je me suis posé des questions. Genre, est-ce que c'est bien lui? Ce gars dont le site internet est possédé par le diable et tous ses démons? Trop facile, je peux pas m'arrêter à ce constat. Pourquoi est-ce qu'il est aimé? Même Noël Akchoté en dit du bien (référence dans le monde de la guitare jazz, pis bon, il a joué avec Mendelson aussi donc c'est forcément quelqu'un de bien).
Jean-Louis Costes a été invité chez Ardisson aussi à l'époque. Je veux comprendre, qui est-il? En interview comme ça il parait tout à fait réglo comme type. Et l'extrait de son livre "Grand-Père" est plutôt chouette. Je commence à bien l'aimer. Il pense que l'art doit pouvoir parler de tout, je suis d'accord. Beaucoup disent que même s'il reste très marginal aujourd'hui, on en parlera encore dans 100 ans, j'espère pour lui oui.
En définitive, après des recherches, après avoir écouté plusieurs interviews, je n'arrive pas à d'autre conclusion que ce type est très équilibré, très lucide et qu'il a une vision des choses plutôt saine.
Alors comment on explique cet art? La réponse est peut-être dans cette chanson "Le Jazz est Mort". Quand il hurle à la fin.
"La musique est quelque chose qu'on n'apprend pas. La musique est quelque chose qu'on subit. Quelque chose en moi, qui me détruit. Quelque chose en moi, qui me tue."
L'art comme un besoin de tout sortir et de vider ses tripes, de trifouiller jusque dans ses excréments pour en comprendre le fondement, mieux se comprendre aussi.
Réduire Costes à une vision "pipi-caca" serait tout de même une grossière erreur. Dans ses textes il y a tout, il le dit, l'art doit parler de tout. On y fait des rencontres avec Dieu, on se rend dans les bas-fonds des cités, on y voit des humains lumineux, des humains détruits, on rencontre la mort, mais surtout la vie. Car c'est bien cette peur de la mort qui motive Costes à produire, à tout dire, à tout écrire, histoire d'être sûr que s'il devait mourir dans la nuit, il aurait eu le temps de tout dire. Costes est vivant! Clame-t-il à tout rompre dans sa musique. Et c'est ce qui le légitime. Et je le comprend.
Je tiens à dire aussi, et c'est très important, que cet homme a une compassion hors norme pour ses frères. Pour l'avoir vu en concert, à s'égosiller à la limite des larmes aux yeux, pour nous parler de ces petites vieilles qui vont à l'église pour qui il joue de l'harmonium, ces petites vieilles qui prient pour nous, pour leurs fils qui ont le cancer, qui marchent péniblement jusqu'à l'autel, qu'il ne faudrait pas déconcentrer à cause d'une fausse note à l'harmonium. Alors il joue de tout son cœur cet homme.
Je peux t'assurer qu'à ce moment là du concert j'ai chialé.
Guerrier amoureux.
C'est après une rencontre avec le personnage à Lausanne que je me suis procuré son livre. J'avais eu l'occasion d'écouter un interview où il en parlait et ma foi, le sujet semblait plutôt léger mais il faut toujours s'attendre à tout.
Et en fait, j'ai réellement passé un très bon moment avec cette lecture. Un roman d'aventure où le destin de trois jeunes de banlieue s'entrecroise dans des pérégrinations complètement folles au travers du monde. Tu sais franchement c'est le genre de choses que je m'imaginais quand j'étais ados, dans ces moments où j'en voulais à la terre entière et que ma seule envie était de claquer la porte et me barrer faire le tour du monde. Alors je peux te garantir que les personnages du roman vont en chier grave. Et je peux te garantir que dans tout ça on trouve des moments de beauté sans pareil, lucides et lumineux, avec ce Patou pas très dégourdi qui va de problème en problème qui finissent par devenir énormes, et pourtant il rêve toujours, il aime toujours de tout son cœur, il peste contre la terre entière qui lui en veut, et il est dramatiquement beau.
Ce roman pue, il est dur, il suinte, mais qu'est-ce qu'il est beau. Et qu'est-ce qu'il est drôle aussi! Merde ce serait bon de le rappeler aussi, j'ai ris, j'ai ris et j'ai ris en le lisant. Parce que ça va trop loin, parce que ces héros sont trop justes et parlent n'importe comment dans leur justesse, parce que leurs réflexions partent dans tous les sens tout en étant parfaitement tangibles. Qu'est-ce que j'ai pu rire en me disant "mais qu'est-ce que c'est con" et pourtant c'était juste.
Voilà j'aurais du mal à tout dire, ce qui est sûr ce livre offre de très beaux moments et d'autres particulièrement durs. Il vaut la peine d'être lu pour de vrai. Et d'être pris au sérieux, car Costes est peut-être l'artiste le plus jusqu'au boutiste qui soit aujourd'hui et c'est important. Toucher à l'éternité à travers la merde ambiante, c'est une très belle performance.
Et le vivant est toujours plus fort que le mort.