Dans cette biographie, Houellebecq célèbre un autre auteur torturé : H.P. Lovecraft. Et l'on s'aperçoit rapidement que l'influence de l'Américain sur le Français est considérable. Si leurs styles sont rigoureusement opposés (l'un privilégiant l'emphase, l'autre la sobriété), ils se rejoignent dans la misanthropie. En effet, Lovecraft et Houellebecq vouent un mépris sans limite à leurs contemporains et cette perception négative du monde imprègne fortement
leurs oeuvres. Une atmosphère très pessimiste englobe donc leurs personnages et telles des marionnettes de papier, ils sont voués à un destin cruel et immaîtrisable.
L'origine d'un tel défaitisme prend sa source dans leur incapacité commune d'intégration. Au début de leur vie, surdoués autodidactes, ils éprouvent une aversion pour l'école car ils s'y ennuient.
Plus tard, ils vont se heurter violemment aux exigences du monde matérialiste et rater complètement leur passage à la vie adulte. Ces deux éternels adolescents, quelque peu schizoïdes, vont dès lors privilégier leur monde intérieur sur lequel ils peuvent exercer un contrôle total. Houellebecq a notamment déclaré à cet égard qu'il aimait jouer à Dieu lorsqu'il écrivait et il ne fait aucun doute que Lovecraft aussi.
Cette fausse biographie comporte en outre des traces de ce que sera la future littérature de l'aveu. Ainsi, des passages de la vie de Lovecraft seront suivis de commentaires orientés très subjectifs (typiquement la future marque de fabrique houellebecquienne). Pourtant, lorsqu'il décortique l'oeuvre proprement dite, il le fait avec objectivité et recul. Par conséquent, l'ensemble a de quoi dérouter mais témoigne d'une richesse sémantique peu courante due à ses différents niveaux d'écriture.
Un ouvrage hétéroclite, néanmoins accessible, destiné à tout amateur de ces écrivains désireux de mieux appréhender leurs parcours respectifs.