Haïku «Petit poème japonais issu du haïkaï»
Haïkaï «Forme poétique japonaise» (Larousse)
Cette anthologie présente les poèmes par saisons, le recueil organisé en cinq parties, une par saison plus une pour les Haïku hors saisons. Je me suis prêté au jeu de lire chaque partie dans le respect des saisons, dans leur secret aussi, du printemps 2017 à l’hiver 2017/2018, par petites touches ; une saison lue et je m’imposais d’attendre le solstice ou l’équinoxe suivant avant de reprendre ma lecture, jusqu’à ce jour.
Ce fut donc un lent voyage, maîtrisé, dans un univers que je ne connaissais pas, au pays de la forme poétique la plus courte du monde composée de 3 phrases de 5, 7, 5 syllabes (une seule ligne en japonais).
De ce que j’ai compris, les Haïku utilisent des mots (kigo) associés à une saison. Le kigo est un mot-clé, un mot-saison, une pierre angulaire, un « évoquant », une correspondance. Par exemple, le kigo « lune » est associé à l’automne, et non aux autres saisons.
Le Haïku, tel qu’il m’a été donné de le comprendre, est un hymne à la nature, à sa beauté, à l’écoulement du temps, un équilibre subtil entre fini et infini (parfait - imparfait), mortel d’apparence et immortel d’apparence, dérisoire et sérieux. Les contrastes sont parfois saisissants, les oppositions d’échelles aussi, surtout dans une forme poétique aussi courte et lapidaire.
Prépare toi à la mort
Prépare-toi
Bruissent les cerisiers en fleurs
Issa (1763-1828)
Nous sommes ici promeneur à la saison des floraisons. Rien de plus éphémère que la beauté d’un cerisier en fleurs. La pleine floraison arrive une semaine après l'ouverture des premières fleurs et une semaine plus tard, le pic de floraison est atteint et les fleurs tombent des arbres. Dans un référentiel différent, rien de plus éphémère et fragile qu’une vie humaine aussi : c’est ce que murmure la brève floraison du cerisier au promeneur solitaire pourtant sûr de sa relative longévité.
Sur la pointe d’une herbe
Devant l’infini du ciel
Une fourmi
Hôsai (1885-1926)
En haut, l’infini du ciel : le cosmos profond, intimidant, l’univers gigantesque. En bas, la fourmi sur sa pointe d’herbe : la pointe encore plus insignifiante que l’herbe. Chacun dans une dimension fugitive où finalement haut et bas perdent le sens commun, finissent intriqués en coïncidence parfaite, dans une forme de gravité quantique unifiant des forces de la nature qui pourraient sembler irréconciliables ; rien de plus, rien de moins.
Cette poésie n’a rien comblé en moi me semble-t-il, mais elle a certainement remis, remonté en surface des sensations enfouies, diffuses, comme une nouvelle phénoménologie; ou comme une ancienne ressuscitée.
Alors bien sûr j’imagine que la traduction, le passage du japonais au français abîme le Haïku, peut-être le défigure ou l’éloigne, mais ce qu’il en reste mérite bien un voyage : il s’adresse autant au coeur ardent qu’à l’être biologique.
La nuit est sans fin
Je pense
A ce qui viendra dans dix mille ans
Masoaka Shiki (1866-1909)
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Sans savoir pourquoi
J’aime ce monde
Où nous venons pour mourir
Natsume Sôseki (1867-1916)
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Si seul
Que je fais bouger mon ombre
Pour voir
Ozaki Hôsai (1885-1926)