Hamlet n'est pas la première pièce du théâtre shakespearien que j'ai lue. C'est pourtant en lisant Hamlet que j'ai compris pourquoi Shakespeare c'était un mythe plus qu'un auteur.
En revanche, Hamlet a aussi soulevé en moi une question de plus en plus pressante. Non, pas "To be or not to be?" (quoique...), mais la suivante : pourquoi diable est-ce qu'on me bassine avec Roméo et Juliette depuis ma plus tendre enfance? On pense ce qu'on veut de Roméo et Juliette, mais pour moi, le chef-d'oeuvre de Shakespeare, il est au Danemark, pas à Vérone.
Sans être longue, la pièce retrace avec une minutie sans égale l'évolution du personnage éponyme, qui passe de l'inaction à l'action, du non-être à l'être, et ce de façon paradoxale : c'est à l'approche de l'anéantissement de son être que Hamlet s'affirme comme être. Et c'est justement le paradoxe généralisé qui est génial, et qui acquiert un peu plus d'épaisseur à chaque scène-clé, comme celle des ossements ou encore celle qui montre le délire d'Ophélie, peut-être mes préférées.
Bref, je me perds sans doute dans mon enthousiasme et dans la lecture philosophique qu'on a pu faire d'Hamlet, mais tout ce bouillonnement critique, qui ne remplacera jamais la démonstration que fait la pièce, montre au moins une chose : Hamlet, ça fait réfléchir, c'est grand. "Baroque", disent de nombreuses personnes. Peut-être, dans la mesure où l'antithèse généralisée de la pièce est représentative de l'inquiétude qui y perce. Mais ce qui me frappe dans Hamlet, c'est tout de même une efficacité qui est loin d'être entravée (au contraire) par la redoutable simplicité de l'ensemble.
Une vraie tragédie, donc, et je comprends pourquoi on a tendance à ne retenir qu'un nom du théâtre anglais.
En fait, je n'ai qu'un seul problème avec cette pièce : je la trouve admirable, mais après l'avoir lue trois ou quatre fois, force est de reconnaître que je n'en ai qu'un souvenir très partiel. Ironique quand on se rend compte que Hamlet traite essentiellement le thème de la mémoire, celle qui reste après la mort... Mais je n'aurai pas le culot de dire que ces oublis montrent une faiblesse de la pièce : je dirai plutôt qu'il est regrettable que je n'en aie jamais vu de représentation théâtrale complète. Je sais ce qu'il me reste à faire!