Contrairement à mon habitude, qui est de ne critiquer que les œuvres au moment où je les regarde/lis, je vais parler un peu de ce Harlem shuffle que j'ai lu à sa sortie, ayant terminé le second tome de ce qui apparaît maintenant comme une trilogie en devenir (La règle du crime, critique à suivre).
Nous y suivons Carney, "pas voyou, juste un peu filou", simple vendeur de meubles qui cherche à monter dans la société de Harlem dans les années 1960. Il est marié à Elisabeth, jeune femme que ses parents, membres d'un club select, voyaient promises à Oakes, un homme politique montant. Ils méprisent donc leur gendre qui fait vivre leur fille chérie dans un appartement merdique dont les fenêtres donnent sur le métro.
Le père de Carney était un truand connu dans le milieu. Dur, quand vous avez un tel paternel, de se tenir rigoureusement à l'écart du milieu du crime, spécialement quand vous avez des envies d'évolution sociale, et si comme Carney vous avez la rancune particulièrement tenace.
Ce roman suit donc l'évolution de Carney, qui va en toucher de plus en plus, surtout lorsqu'à la demande de son cousin, il va accepter de devenir le fourgue pour un boulot dangereux. On découvrira la faune de Harlem en compagnie de Carney et sa famille, de son cousin Freddie, et de Pepper, un collègue du paternel qui a la taloche rapide et un sens moral bien personnel.
A travers le polar, Colson Whitehead continue son exploration de l'Amérique noire. Paraît-il qu'il se place dans la lignée des polars de Chester Himes, mais comme de ce dernier je n'ai lu que La croisade solitaire, qui n'en est pas un, je laisserai juge les lecteurs plus avertis. Il n'en reste pas moins que depuis son premier roman, excepté peut-être son échappée réussie du côté du roman de zombie, Zone 1, Colson Whitehead explore l'histoire noire des Etats-unis, avec un constat qu'on peut imaginer pas beau à voir, mais avec une verve souvent jubilatoire. Son nom n'en apparaît que plus ironique.