"Au pays de son rêve, on peut vivre le vrai", alors, partons au pays du rêve d'Haroun et de son père Rachid, partons pour remonter la source du Courant d'Histoires à la recherche de l'origine de la parole créatrice.


La trame de la fable est simple : peu après le départ de sa femme avec un autre homme, Rachid Khalifa, conteur professionnel et jongleur de contes, perd toute inspiration. Soucieux d'aider son père, Haroun est décidé à trouver la source de laquelle jaillit l'inspiration, jaillit l'imagination, jaillissent les histoires.


Chemin faisant, il rencontre Ssi, le génie de l'Eau et une huppe mécanique, qui seront ses alliés dans sa découverte du pays de Chup, étrange pays entouré par l'Océan des Courants d'Histoires.


Son aventure est l'occasion d'un discours métalittéraire (toujours métaphorique et imagé) sur la création et la filiation des récits entre eux.


Dans l'Océan des Courants d'Histoires, les histoires sont vivantes, elles servent de pain à des poissons polypanses qui, par leur digestion, font naître des histoires toujours nouvelles à partir du mélange d'histoires existantes.


Dans l'Océan des Courants d'Histoires, les histoires sont nécessaires car elles sont des mondes contre lesquels on ne peut rien, des mondes incontrôlables qu'il faut laisser incontrôlés et dont il faut laisser le soin aux poissons de décider s'ils peuvent naître ou non.


C'est une vision aussi désintéressée que subversive de la littérature qui est donnée dans ce roman (jeunesse?), une vision où le détachement et la subversion se rejoignent dans une liberté de parole sans cesse proclamée.


"Au pays de son rêve, on peut vivre le vrai", car au pays du monde, les villes sont tristes et ont perdu leur nom, les hommes sont devenus fous et Salman Rushdie écrit ce livre à son fils pour lui montrer qu'en dépit de la violence et de la folie des hommes, en dépit de la vie qu'ils devront mener alors, restera toujours une petite source de laquelle une histoire toute liquide pourra sortir et illuminer, de son monde bien à elle, le monde réel duquel on peut parfois s'enfuir à dos de huppe mécanique.

CameEleon
7
Écrit par

Créée

le 1 juin 2020

Critique lue 218 fois

CameEleon

Écrit par

Critique lue 218 fois

D'autres avis sur Haroun et la mer des histoires

Haroun et la mer des histoires
Labyrinthèque
7

Critique de Haroun et la mer des histoires par Labyrinthèque

Un joli conte où l'imaginaire enjoué de Salman Rushdie nous emporte comme toujours. Mais tant qu'à faire, je recommande plutôt "Luka et le feu de la vie" (la suite, mais pas besoin d'avoir lu Haroun...

le 10 janv. 2017

Du même critique

Roman des origines et origine du roman
CameEleon
7

Marthe Robert : plus Complexe d'Œdipe qu'Anti-Œdipe

Marthe Robert dans cet essai consacré au genre romanesque se pose la question suivante : pourquoi écrit-on des romans ? Ou plutôt : pourquoi raconte-t-on des histoires ? Pour répondre à cette...

le 12 mai 2020

8 j'aime

3

La Lenteur
CameEleon
8

Le goût du jeu

De quoi ça parle ? L'intrigue de La Lenteur se déroule en France ; l'action a pour cadre un château-relais où le narrateur et sa femme, Véra, décident de passer une nuit. Rapidement, les thèmes...

le 3 févr. 2018

6 j'aime

Mensonge romantique et vérité romanesque
CameEleon
8

Le vide de l'être et l'histoire du désir

Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard oppose le roman romantique au roman romanesque : le premier est construit sur la dissimulation de la vérité ontologique de l’homme (son...

le 6 nov. 2020

5 j'aime