"Histoire de la folie à l'âge classique" de Michel Foucault a acquis un statut de pilier dans le corpus critique de la psychiatrie, raison pour laquelle je m'y suis intéressé.
Il faut signaler dans un premier temps les aspects trompeurs de son titre. En effet, Foucault ne se contente pas d'une simple description historique du concept de "folie" : il propose également une analyse sociologique, mais également philosophique. C'est dans ces 2 derniers domaines qu'il a tendance à se fourvoyer. Les analyses qu'il propose sont parfois discutables, voire anachroniques. D'autre part, l'auteur ne semble pas en mesure de déterminer s'il décrit la "folie" ou la "déraison", ou s'il considère ces 2 termes comme synonymes et interchangeables. On connait bien la polysémie d'un mot aussi ancien que folie, et l'assimilation à la seule déraison apparaît réductrice. Enfin, si le titre propose de borner l'analyse à l' "âge classique" c'est-à-dire de 1600 à 1789 (1800 pour être généreux), Foucault s'affranchit de la limite qu'il s'était imposé pour aller critiquer les pionniers de l'aliéniste. Si chacun de ses choix sont en eux-mêmes défendables, je considère qu'il se met lui-même hors-sujet dans son ouvrage.
Si ma critique s'arrêtait là, on pourrait me rétorquer que je ne critique pas le livre, mais seulement le titre. Mais au risque de me répéter, ce que je reproche à son auteur c'est justement l'absence de véritable définition de la folie, le côté incomplet de ses analyses sociologiques qui ont depuis été solidement contredite par des ouvrages comme "La pratique de l'esprit humain" de Gladys Swain. Il y a beaucoup à dire effectivement sur la pratique de l'aliéniste au XIXe siècle notamment (et je grossis le trait volontairement) la dissonnance qu'il existe entre la volonté philantropique de "libérer" les aliénés de leurs chaînes, comme le veut la légende, pour leur imposer le joug moral du psychiatre tout-puissant. Mais ce sujet intéressant aurait bénéficié d'être traité dans un autre volume, car "Histoire de la folie à l'âge classique" est déjà beaucoup trop long.
Je n'ai aucun doute sur le fait que Foucault était un esprit brillant avec une capacité de synthèse admirable, mais la manière dont il rédige des passages entiers en accumulant des concepts sociologiques et/ou philosophiques rend son propos abscons. Ceci laisse au lecteur une impression désagréable et rend la lecture fastidieuse.
Finalement, que peut-on retirer en pratique de l'ouvrage ? Pour ma part, j'ai trouvé qu'il était très instructif lorsque la description historique et solidement sourcé était le centre du sujet, et notamment la réforme de l'hôpital général sous Louis XIII et Louis XIV.
A moins d'être soi-même intéressé par la pensée de Foucault, je ne recommanderais pas la lecture de ce livre.