Le deuxième roman d’Édouard Louis se concentre sur un événement précis : l’agression dont le narrateur a été victime de la part d’un amant d’un soir, la peur mêlée de honte qui en découle, la plainte à la police, la difficile réinsertion dans le monde normal. Comme dans l’ouvrage précédent, il s’agit de rendre compte le plus rationnellement possible des émotions – souvent ambivalentes – qui traversent le narrateur pendant et après l’agression. Mais ce refus du lyrisme relève désormais d’un procédé qui trahit moins l’ambition littéraire que l’auto-complaisance.
Car Édouard Louis s’aime. Il s’analyse, il s’interprète, il se regarde se regardant. Il s’aime au point de rêver son propre enterrement comme le font les adolescents. Il va jusqu’à s’imaginer surprendre derrière la porte sa sœur en train de raconter à un mari remarquablement patient ce qui est arrivé à son frère. Et voici qu’elle raconte et qu’elle commente, et que son récit est à son tour commenté et rectifié par le narrateur lui-même. Non seulement c’est interminable mais ça sonne faux : la parole romanesque n’est pas une simple transcription de l’oral, et le discours naïvement mimétique de la sœur (jusqu’à la reproduction des incorrections grammaticales et des redondances propres au langage de la vie réelle) en fournit heureusement la preuve.
Le roman reprend cependant un peu de tenue à la fin, lors du récit quasi clinique du protocole à la fois lourd et humiliant auquel doivent se soumettre les victimes d’agression qui décident de porter plainte.
Bref, la lourdeur du dispositif narratif et le caractère hybride du texte – mélange de sociologie fictionnalisée et d’expérimentation romanesque un peu datée, le tout arrosé d'une bonne dose de narcissisme – laissent le lecteur plutôt perplexe. Mais n’est-ce pas le propre de tous les deuxièmes romans de décevoir ? On lira encore le troisième.

lasprezzatura
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le 20 janv. 2016

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