Le Paradoxe.
Alors que le premier roman d’Edouard Louis fut (semble-t-il) un succès populaire, déclenchant un torrent d’Amour/Haine à grand coup de polémiques et autres reportages télévisés à l’objectivité toute...
le 27 mars 2016
7 j'aime
1
Aborder la lecture du deuxième roman d'Edouard Louis, surtout accompagné par une presse à genoux, célébrant un jeune prodige, n'est pas des plus aisé. Comment s'extraire du battage médiatique et juger sereinement ce livre, surtout que le premier ne m'avait pas totalement convaincu ? Très simple, ne rien lire, tenter d'évacuer les quelques gros titres malencontreusement lus, s'isoler et se plonger dans cette " Histoire de la violence".
Nous sommes toujours dans la veine auto-biographique. Edouard Louis le soir de Noël a été victime d'un viol avec tentative de meurtre. Le livre en est le récit circonstancié. Voulant sans doute se démarquer de la sécheresse d'une Christine Angot, Edouard Louis, en jeune homme brillant, choisit d'y apporter une dimension littéraire tout en développant un raisonnement conforme à ses pensées profondes, lorgnant peut être plus du côté d'Annie Ernaux. En choisissant trois niveaux de récit, le sien propre, celui qu'il entend raconter par sa soeur à son mari camionneur et de nouveau le sien propre mais en italique pour recadrer les propos de sa frangine, l'auteur ne joue pas avec la facilité. Donc, au milieu de ce récit troublant, se nichent la volonté de donner à entendre et à lire un parler populaire, les rémanences d'une enfance et adolescence en milieu populaire picard et le refus viscéral de céder à la stigmatisation facile ( arabe = voleur, violeur, délinquant). Pour tous ces regards, cette analyse impressionnante sur soi-même face à cette violence, le livre apparaît comme le résultat d'un projet pensé et réfléchi. Le thème central du viol, avec sa succession très détaillée des événements et de ses suites, des pensées de l'auteur, est tout sauf un sujet anodin. Même en révélant des détails très personnels, le livre n'est jamais impudique. J'ai admiré le regard plein de recul et sans concession qu'a Edouard Louis sur lui-même et surtout ce dialogue intérieur, ce débat interne pour refuser la facilité face à des événements tragiques. Sur ce plan là, le livre est un témoignage irréprochable et fascinant. Je serai par contre plus réservé quant à la globalité de l'oeuvre, qui pâtit, de par sa construction et cette volonté de ne pas renier ses racines, d'un important déséquilibre. Malgré le soin apporté aux passages contés par Clara, la soeur restée en pays picard, cette reproduction fidèle d'un parler populaire, avec ses mots tronqués, ses fautes grammaticales qui ne gomment jamais la finesse d'analyse de la narratrice, m'est apparue pesante et forcée, alors que le reste est par ailleurs si brillant. Et si l'on rajoute quelques digressions (sur le passé du frère, la vie supposée du père du violeur en foyer Sonacotra) qui eux aussi, cassent un peu l'intensité générale, je suis ressorti avec un sentiment mitigé.
Pourquoi, alors que dans son premier livre le sort, l'effacement d'Eddy Bellegueule avait été gravé dans le marbre de la littérature, Edouard Louis, même de façon un peu détournée, revient-il dessus ?
La fin sur le blog
http://sansconnivence.blogspot.fr/2016/01/histoire-de-la-violence-dedouard-louis.html
Créée
le 9 janv. 2016
Critique lue 1.1K fois
5 j'aime
D'autres avis sur Histoire de la violence
Alors que le premier roman d’Edouard Louis fut (semble-t-il) un succès populaire, déclenchant un torrent d’Amour/Haine à grand coup de polémiques et autres reportages télévisés à l’objectivité toute...
le 27 mars 2016
7 j'aime
1
Histoire de la violence est le deuxième livre d’Édouard Louis que je lis, et je dois reconnaître que comme pour En finir avec Eddy Bellegueule, je suis complètement perdue face à ce roman. Je résume...
le 27 janv. 2016
6 j'aime
5
Édouard Louis est un piètre écrivain et un bon psychologue. Je viens de lire Histoire de la violence, qui est son second livre si l’on excepte ses productions universitaires, et je dois dire que cela...
Par
le 14 mai 2018
5 j'aime
Du même critique
Il y a des jours où j'ai honte, honte d'être incapable d'apprécier ce qui est considéré comme un chef d'oeuvre par le commun des mortels. A commencer par mon libraire spécialisé BD qui m'a remis...
Par
le 1 janv. 2012
35 j'aime
7
J'ai vu le chef d'oeuvre de la semaine selon les critiques. Hé bien, ils se sont trompés, c'est un navet et un beau ! Cette fois-ci, ils ont poussé le bouchon tellement loin qu'ils risquent d'être...
Par
le 29 août 2013
27 j'aime
18
Je le dis d'emblée, je n'ai jamais été fan du cinéma de Mr Desplechin. "Les fantômes d'Ismaël" confirment que je ne parle pas et ne parlerai jamais le "Desplechin" comme se plaît à dire le...
Par
le 18 mai 2017
24 j'aime
1