Curieuse de découvrir cet essai du réalisateur d'Entre les murs, j'ai savouré cet essai qui tient à la fois des moralistes du grand siècle et de Flaubert.
Attaqué, déstabilisé, le lecteur - le bourgeois - l'est dès la première phrase :
Souvent pendant la campagne je t'ai trouvé bête.
Usant de cette deuxième personne dans tout son ouvrage, François Begaudeau observe son lecteur comme un entomologiste, et le force à analyser, décrypter ses actes, attitudes et paroles à l'aune des déterminismes sociaux. C'est aussi dérangeant que stimulant. Les reproches fusent.
Selon ton habitude, tu te détournes de ce qui est au profit de ce qui pourrait être, tu spécules au lieu d'observer. Ce pli spéculatif entre pour beaucoup dans cette manière de vacuité que j'ai l'outrecuidance d'appeler bêtise.*
Ce que j'appelle ta bêtise ne vient pas d'une carence de ton cerveau au moins aussi bien fait que le mien, mais de ta manie héritée d'en limiter l'usage.
*Tu es nombreux
Vilain petit bourgeois honteux
Amusé, le lecteur l'est souvent, comme lorsqu'il se reconnaît dans sa volonté de faire barrage à Marine Le Pen en 2017 :
Tu veux qu'on s'engage, par la présente pizza végétarienne cuite au feu de bois dans cet italien rue des Martyrs, à voter contre le pire.
Certes François Begaudeau malmène son lecteur, dans la tradition polémiste, mais pas seulement ! Il lui procure beaucoup d'amusement par ses saillies très spirituelles, par son jeu constant sur nos paradoxes qu'il exhibe. En me reconnaissant dans ce "tu", à l'issue de cette lecture, je suis toujours bourgeoise, mais peut-être un peu moins bête.