J'avais adoré Georges Minois. Ses deux livres précédents, une 'histoire de la solitude et des solitaires' et une 'histoire de l'athéisme et des athées', étaient deux ouvrages remarquables tant par leur documentation que par leur méthode. Minois m'y avait montré qu'il y a un équilibre possible entre les deux façons de faire une étude historique ; que l'on peut tout à la fois être objectif, donc précis dans les dates et dans les faits, et subjectif, donc avoir une analyse très pertinente sur la façon de vivre et de penser d'une époque. Surtout, c'était Georges Minois qui m'avait redonné envie de lire de l'histoire, justement grâce à cette synthèse des deux méthodes possibles. Je conseille encore ces livres à tout ceux qui s'intéressent à ces sujets et vous les recommande sans hésiter.
Alors que s'est-il passé???
Comment en est-on passé d'une objectivité et d'une documentation remarquable à une accumulation de dates, de noms et de faits totalement indigeste? Le rythme de ce livre est très mal fait, au sens où ces accumulations nous font complétement passer à côté de certains siècles, puis ralentissent brusquement pour nous décrire jusque dans ses moindres détails certaines années. Comme si dix ans suffisaient à résumer un siècle...
Mais ça aurait encore put passer, car Minois le dit lui-même : s'il s'était mit en tête d'être historiquement exact sur tout, il lui aurait fallut dix gros livres rien que pour le Moyen-Âge. Qu'il ait eut besoin de faire des choix sur certains personnages et certaines années, je peux le comprendre. Sauf que sous ce prétexte de synthèse, Minois fait une erreur de débutant : il porte un jugement de valeur morale sur les religions, les peuples et les civilisations qu'il aborde. Interpréter une période de l'histoire avec des opinions personnelles d'aujourd'hui : n'importe quel élève qui aurait fait ça au bac aurait été recalé sans pitié. Alors au nom de quoi faudrait-il le permettre à un historien, fut-il Georges Minois?
Toutefois, on en apprend énormément et le livre n'est pas dépourvu d'un certain humour. On retrouve parfois la pertinence à laquelle l'auteur m'avait habitué et j'ai encore énormément appris, surtout sur les "âges sombres " (Vème-Xème siècle). On peut toujours voir un savoir colossal à l’œuvre derrière tout ça. Et c'est sans doute pour cela que je suis aussi triste et déçu : parce que malgré tout, je ne peux qu'admettre que ce livre est bien du même auteur que ceux que je vous ai conseillé.