« Histoire secrète du sire de Musashi » de Junichirô Tanizaki, 1931

Un avant-goût :


Dans le cadre du Japon féodal du XVI ème siècle,Tanizaki narre tantôt avec un champ lexical historique tantôt plus intimement, l’histoire du fictif sire de Musashi. Á 13 ans, Hôshimaru, issu d’une famille guerrière, n’étant pas en âge de prendre les armes sur le champ de bataille, est retranché dans le château assiégé par un clan adverse.


Avide de prouesses guerrières, il assiste à une cérémonie rituelle pratiquée par des femmes, consistant en un lavage, coiffage et étiquetage de têtes tranchées d’ennemis. Le renom d’un guerrier étant en partie tiré de la richesse du panel de têtes arrachées.C’est par la vision d’un visage dépourvu de nez nommé « tête de femme » symbolisant le déshonneur suprême pour le cadavre et la preuve de succès du combattant survivant, que se révèle la nature sadique du héros.


Le contraste de la scène partagé entre la morbide « tête de femme » et le tendre doigté avec lequel une jeune fille la manipule, éveille les penchants érotiques d’Hôshimaru. Cette expérience sensorielle d’enfance se mue en un fantasme aux accents perversement macabres qui est à l’origine de son secret régissant toute l’histoire du sire de Musashi.


Mon opinion :


C’est la première fois que je me frotte à la plume de Tanizaki et je dois confesser que son maniement fluide, limpide et subtil n’ont pas manqué de me piquer. L’alternance maitrisée des points de vue narratifs offre plusieurs angles d’attaque pour aborder le récit enrichissant la lecture. Le livre se dévore d’une traite et ce en dépit de la potentielle confusion suscitée par la mention de multiples noms de personnes, de lieux et d’époques en japonais, du moins, pour un francophone découvrant la littérature du pays du soleil levant. L’auteur nous livre un alliage oxymorique d’une rare adresse ; au point d’être stupéfait de se prendre au jeu «sadomasochiste » du héros.


En point de comparaison à mon unique repère dans la littéraire japonaise contemporaine, à savoir Mishima, je dénote un talent équivalent avec peut-être un attrait moins prononcé pour l’exploration en profondeur des thématiques abordées dans ce livre de Tanizaki. Cette impression est probablement le fruit de ma progression plus poussée dans l’oeuvre de Mishima, c’est pourquoi, il me tarde de pénétrer dans l’univers de Tanizaki que je pressens aussi exquis que « Histoire secrète du sire de Musashi ».

Artmure
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 6 avr. 2022

Critique lue 105 fois

1 commentaire

Artmure

Écrit par

Critique lue 105 fois

1

D'autres avis sur Histoire secrète du sire de Musashi

Histoire secrète du sire de Musashi
Artmure
9

« Histoire secrète du sire de Musashi » de Junichirô Tanizaki, 1931

Un avant-goût : Dans le cadre du Japon féodal du XVI ème siècle,Tanizaki narre tantôt avec un champ lexical historique tantôt plus intimement, l’histoire du fictif sire de Musashi. Á 13 ans,...

le 6 avr. 2022

1

Histoire secrète du sire de Musashi
Kurasen
7

Ce qui se cache derrière les samouraïs idolâtrés...

Après ma récente découverte de Kazuo Ishiguro par le “Géant enfoui”, je découvre cet immense auteur japonais qu’est Junichirô Tanizaki. J’ai longtemps eu “Louange de l’ombre” dans ma liste de...

le 12 août 2021

Du même critique

Megalopolis
Artmure
4

Quousque tandem abutere, Coppola, patientia nostra?

Ceci n'est pas l'objet expérimental incompris, rejeté par la critique et le public pour ce motif, qu'il ambitionne d'être. Et ce n'est pas le montage (qui se veut) alambiqué, ou les couleurs et les...

le 14 nov. 2024

3 j'aime

Les Herbes sèches
Artmure
10

Toute la médiocrité à hauteur d'Homme

Le génie de Ceylan, c’est de réfléchir à l’écran nos finitudes, nos contradictions, d’ériger toute la médiocrité à hauteur d’Homme. C’est un tour de force de parvenir à identifier le spectateur à un...

le 29 mars 2024

3 j'aime

Les Films rêvés
Artmure
10

L’Ulysse des films

« Je pensais qu'Argos et moi appartenions à des univers distincts; je pensais que nos perceptions étaient identiques, mais qu'Argos les combinait de façon différente et construisait avec elles...

le 29 nov. 2024

2 j'aime