Je découvre Mauvignier avec ce roman, et je crois que je n'ai jamais été aussi frustré par un auteur. J'ai lu dans quelques critiques que son style était très différent dans ses autres livres, il faudra bien un jour que je m'y colle, et que je compare un peu tout ça.
Mais ici, quelle asphyxie ! Le bon Laurent ne peut pas s'empêcher, dans un mauvais ersatz de Nouveau Roman, de nous livrer des phrases télescopiques et non télescopées, qui se déploient à l'infini et nous enserrent dans leurs filets. Son style fait assez bizarrement le double effet de nous étouffer et de nous entraîner, comme des sables mouvants dans lesquels on peinerait à marcher, mais qui nous entraîneraient tout de même plus avant dans notre trajectoire. En somme, la lecture de ces 640 pages est tout à la fois pénible et rapide.
Rapide, parce qu'on a quand même envie de savoir la suite (tout en la connaissant déjà, et en sachant qu'on sera déçu) et que quelques fulgurances livrent certains moments de légèreté et d'inspiration, notamment dans les récits indirects des passés de chaque personnage, qui font preuve d'un regard social assez fin de l'auteur.
Pénible aussi - et malheureusement surtout - avec ce style haletant, ces phrases interminables et construites n'importe comment. Le rythme de la lecture est haché, chaque virgule est épuisante. Dès le début du récit, on marche à tâtons et à contrecœur dans ce hameau des Trois Filles Seules, ce qui esquinte un peu l'effet cherché par l'auteur d'une obscurité et d'une tension progressives.
Tout ça est un peu dommage. Le livre me faisait de l’œil depuis plusieurs semaines dans les librairies, avec son titre accueillant, sa quatrième un peu énigmatique, et les passages survolés qui ne me semblaient présager que du bon.
"On ne m'y reprendra plus", ai-je envie de dire. Je sais malgré tout qu'on m'y reprendra, et tant mieux mine de rien : c'est aussi comme ça qu'on fait de bonnes découvertes ! Et je laisserai au moins une deuxième chance à Mauvignier, si par hasard je tombe sur un autre de ses romans.