Toni Morrison est connue et reconnue dans le milieu littéraire comme étant une grand dame de la littérature. Elle a d'ailleurs reçu le Prix Pulitzer pour son roman "Beloved" et le Prix Nobel de littérature en 1993. Je n'ai jamais lu de romans de cette auteure que l'on qualifie "d'écrivaine surdouée qui se délecte des contes qu'elle invente" dans le dernier numéro de "Transfuge". La presse littéraire encense donc son dernier roman "Home" que j'ai lu avec beaucoup de plaisir même si l'histoire est plutôt "cruelle" et sa construction un peu complexe.
Ce roman ne fait que 151 pages, et pourtant il fait le tour de la plupart des problèmes raciaux que rencontrent les noirs-américains dans les années 1950. Il faut bien sur être "un génie" de la littérature pour arriver à une telle prouesse.
J'ai d'abord été un peu désorientée par la construction de l'histoire qui est tout sauf linéaire ! Mais très vite j'ai été happée par la vie de Franck Money et sa petite soeur Cee. Deux enfants orphelins qui ont grandi auprès d'une grand-mère cruelle. C'est la guerre de Corée qui va séparer Franck et Cee. Chacun va partir vers son destin tracé par une enfance malheureuse et la ségrégation raciale : c'est à dire une vie semée d'embûches, de difficultés quotidiennes mêlée d'horreurs.
Franck va revenir de la guerre complètement traumatisé, au bord de la folie. Il cherche à oublier avec l'aide de l'alcool, mais le souvenir récurant d'une petite fille coréenne quémandant à n'importe quel prix de quoi manger, résume à lui seul, l'enfer qu'il a vécu et qui le hante.
Franck se fait un devoir de retrouver sa soeur. Il va la sauver in extremis des griffes d'un médecin qui, comme beaucoup d'hommes blancs de cette époque, ne considérait pas les hommes noirs comme des êtres humains. Tous les deux choisissent de revenir dans le village de leur enfance, devenu une micro-société solidaire, qui loin de la folie des hommes, a su cultiver la seule chose qui puisse les faire grandir : l'humanisme. Franck et Cee vont enfin découvrir la paix et la sérénité.
Ce conte cruel comme le qualifient beaucoup de critiques littéraires et aussi un roman éblouissant de réalisme et de sagesse. Il réactive le souvenir de ces années qui ne sont pas si loin où le "white only" était de mise dans tous les états d'Amérique. En lisant ce livre, j'ai aussi appris qu'il existait un guide pour circulait sans difficulté quand on était de race noire : le Negro Motorist Green Book de Victor H. Green répertoriait les restaurants et hôtels accueillant les noirs dans différents états. A méditer....