La pièce se termine peut-être un peu tôt pour que le propos philosophique soit abouti.
Sartre réussit à montrer que l'enfer, c'est les autres, si tant est que leur regard nous renvoie ce que l'on perçoit de pire en nous.
Il réussit moins à nous faire croire que le manège entre les trois protagonistes durera pour toujours.
"pour toujours", dit Ines
"Pour toujours !" s'exclame Estelle
"Pour toujours !" s'écrie Garcin, avant d'ajouter, "Eh bien, continuons", comme en référence à la torture qu'ils s'infligent entre eux.
Mais qu'en savent-ils vraiment ? A la fin de la pièce, l'idée que les discours, que les regards, que les événements se répéteront pour toujours paraît invraisemblable.
En outre, les autres sont-ils nécessaires pour cultiver la haine de soi ? A-t-on besoin qu'on nous dise lâche pour qu'on se sente lâche ? Ne faut-il pas se maltraiter soi-même pour que les autres puissent nous atteindre ?
Si Ines était toute autre, si elle n'avait que faire du courage, si elle était capable, par quelque manoeuvre, de faire l'apologie de la lâcheté, ne serait-elle pas le paradis pour Garcin ? Une source d'apaisement ? Après une éternité, pourrait-elle changer d'avis ? Garcin pourrait-il changer d'avis ? Cela suffirait à briser le cicle.
Lorsque Sartre dit "pour toujours", est-ce son avis qu'il donne ou bien celui des protagonistes ? En tous cas il ne cherche pas à leur donner tort, faisant le choix d'arrêter sa pièce, de manière commode, avant que toute évolution ait lieu, alors que tout, ou presque, a été dit.
Les conditions nécessaires à ce que les autres soient l'enfer sont bien nombreuses.