Si on omet une quatrième de couverture atroce (citant un passage pseudo-trash hors contexte), il y a ce si beau titre et surtout le sceau du prix Sade (= oeuvre extrême qui a toutes les chances de vous retourner la tête), soit de belles promesses. Et heureusement, le résultat est bien plus encore...
Ici commence la nuit commence peut-être par ses moments les plus scabreux : célibataire tranquille voguant d'amants en amants dans son petit village, Gilles ne sait pas gérer son attirance pour Pépé, un quasi-centenaire pour qui il nourrit des sentiments de plus en plus fort...et contradictoires ! Fétichisme gérontophile, descente de flic traumatisante, torture scatophile : on peut dire que Guiraudie n'y va pas avec le dos de la cuillère dès les premières pages. Puis le reste se déploie, étonnement plus beau que drolatique, plus troublant que scandaleux. Gilles revoit son bourreau, un flic assassin qui va l'entraîner dans une incroyable passion, dans des scènes tout à fait similaire à L'inconnu du Lac du même Guiraudie. Publié après mais écrit avant le dit film, Ici commence la nuit en est sa version ambitieuse, augmentée, qui délaisse vite les dragues au bord de l'eau pour d'autres décors. En somme, c'est plutôt L'inconnu du lac qui est une version digeste et abordable de Ici commence la nuit...
Comme au cinéma, Guiraudie possède le talent fou de nous loger dans son petit univers, tantôt rassurant, tantôt menaçant, où la sexualité est fluide, où les tabous n'ont plus d'importance. Parmi Le roi de l'évasion, L'inconnu du Lac et Rester Vertical, Ici commence... est clairement une pièce primordiale et cohérente de ce microcosme guiraudien. Il est amusant de voir aussi comme la scène d'amour à mort de Rester Vertical pourrait, par exemple, être une alternative à la dernière partie du livre, ou que Armand (du Roi...), Léo (de Rester...), Franck (de L'inconnu...) et Gilles peuvent être au fond, le même personnage. Un doux paumé, désirant, désireux, désiré.
Mais peut-être que Ici commence la nuit est l'oeuvre la plus forte de Guiraudie dans ce lot, parce que sans doute la plus folle, la plus désespérée (quelle fin...) et la plus émouvante dans ses questionnements sur l'amour et du désir.