Je savais en me lançant dans Il était une fois à Hollywood qu'une partie du mystère du film s'envolerait, et c'est le cas. D'un côté je perds tout ce mystère mais j'y gagne une certaine compréhension plus poussées sur bien des aspects, le deal ne me paraît pas forcément équivalent mais je ne regrette pas de l'avoir lu.
C'est vrai que le charme mystérieux qu'ont beaucoup de scènes du film disparaît complément ici. Notamment sur LE point où tout le monde s'interrogeait dans le film, nous avons une réponse ici. On nous extrapole également une dualité plus marqué entre Cliff et Rick qui ne fait que renforcer leur amitié pudique. Le passage de Charles Manson est aussi expliqué. J'en passe beaucoup mais ça alourdit considérablement l'histoire et ça dessert plutôt le bouquin.
D'un côté, Tarantino suit la tram de son film en y ajoutant des détails et les pensées de ses personnages. En fait ça donne plus envie de voir une version longue du film que de vraiment se plonger dans cette lecture (sachant que la version originale était super longue et que Tarantino en a coupé plus de la moitié pour en arriver au film que l'on connait, certaines scènes coupées que j'ai pu voir correspondent totalement au livre).
Mais de l'autre on voit bien que Tarantino essaye de ne pas être redondant avec son film, avec plus ou moins de succès. Avec Cliff Booth et Sharon Tate ça marche plutôt bien (même si Sharon n'a quasiment rien de différent du film au final), mais alors avec Rick Dalton c'est d'un chiant par moment, Tarantino a raté son coup. Là où avec Cliff il nous amorce parfois avec les scènes du film, pour changer de direction, avec Rick, il raconte juste l'histoire du feuilleton dans lequel Rick apparaît. Et c'est chiant, mon dieu que c'est chiant. Dans le film avec les moments de tournage du feuilleton, on ne connaissait pratiquement rien à l'histoire, mais on prenait notre pied parce que putain, c'est un western ! C'était l'ambiance qui importait et peu l'histoire. Maintenant on sait un peu plus de ce dont il s'agit. Et honnêtement c'était super chiant à suivre. Je m'en foutais complet de l'histoire cooommplète de ce foutu feuilleton. C'était looong. Dans le film ça marchait super bien parce que, on ne savait rien, mais pourtant on vibrait quand même ! Tarantino avait extrapolé l'essence même du cinéma. C'était fantastique !! Là, non.
Et puis bon, c'est pas comme si on pouvait se raccrocher au style d'écriture. La question de la crédibilité de la traduction se pose souvent avec des livres. Non pas que ce soit bien ou mal traduit mais par exemple, un ''what the fuck'' traduit en français n'aura jamais pas cet impact qu'a l'expression d'origine. Et c'est bien possible que ça joue sur la qualité de l'écriture. Mais bon, c'est valable pour tout le monde et tout les bouquins traduits donc l'excuse est moyennement recevable, je ne vais pas me priver de souligner la pauvresse de vocabulaire, avec des mises en situation très moyennes et des descriptions de scènes terriblement laborieuses. D'autant plus que dès le début du livre, le récit est calqué sur le film, nous exposant pleinement à la médiocrité de sa prose. Les dialogues oraux, joués, n'ont clairement pas le même ton sur le papier, c'est délicat de rendre des dialogues écrits réalistes et fluides, c'est un métier.
Sans son savoir faire de la mise en scène, Tarantino n'arrive pas à grand chose. En plus, on le voit parfois que Tarantino essaye de coucher sur le papier des idées de mise en scène claires et limpides, mais les mécanismes ne sont clairement pas les mêmes, ça ne marche pas comme ça. Les transitions sont donc tout sauf subtiles.
Le style maladroit d'écriture devient de la nonchalance quand on s'intéresse à Cliff et c'est pas si mal à ces moments, disons que ça passe mieux. En plus quand on nous expose le point de vue de Cliff sur le cinéma on se rend très bien compte que les problèmes d'aujourd'hui sont exactement les mêmes que ceux d'hier. Rien n'a changé, les mentalités n'évoluent qu'avec un train de retard sur leur temps.
Les meilleurs moments sont ceux où Tarantino exprime sa passion du cinéma en explicitant ses goûts par le biais de ses personnages et en expliquant l'histoire de tel ou tel film ou cinéaste. Il était une fois à Hollywood est un nid à référence super plaisant. Tarantino nous érige une certaine fresque du cinéma, et pas seulement Hollywoodien, des année 50/60. Le gars s'y connait et on apprend pas mal de choses super précises ainsi que la vision qu'à Tarantino sur certains films. Ça c'est très bon et plutôt bien inséré dans le récit. Tout ces moments historiques sont même assez bien racontés et assez fluides je trouve (comparé au reste), heureusement qu'il y en a beaucoup, ça rehausse la qualité du livre. On comprend bien mieux toute une tripoté de références dans le film dont j'étais complètement passé à côté (comme tout le temps finalement, impossible d'avoir tous les clins d'œil disséminés dans tous les films). Et c'est aussi l'occasion pour Tarantino de montrer que Polanski était (et l'est resté) un très bon réalisateur malgré tout...
C'est aussi ce que j'aime dans Once Upon a Time… in Hollywood (le film). C'est que finalement, on voit l'histoire connue par le prisme d'une histoire méconnue, imaginée, celle de Rick et de Cliff. Ca montre bien que les grands moments de l'histoire côtoient les petites aspérités du quotidien de gens banales. Un des plus forts aperçus de ce que je raconte, c'est quand Charles Manson débarque chez les Polanski et que, simplement, Cliff l'observe alors qu'il est débraillé sur le toit de son pote/patron à réparer l'antenne. Un moment décisif de l'histoire et de l'Histoire vu par une personne dont on se fou complet. Mais là, du point de vue de Cliff, qu'on adopte dans le film, c'est de Manson dont on se fou complet, c'est juste un gars comme un autre, quoiqu'un peu louche, mais qui se trompe de grange et qui est un peu paumé. J'aime ça. Si ça se trouve vous avez croisé les prochains Charlie M. hier en rentrant chez vous.
Pour en revenir au livre, j'aime assez quand Tarantino décide de suivre l'action d'une personne par le biais des personnes qu'il va rencontrer (tout le passage où Charlie cherche Terry Melcher). Ça me paraît plutôt original et en tout cas je trouvais ça sympa à suivre. Après je pense encore une fois qu'à l'écran ça rendrait bien mieux qu'à l'écrit où le rythme n'est pas le même.
En fait, le tour de force effectué par Tarantino pour accrocher avec son livre, c'est de désamorcer dès le début l'attente de la fin. Parce que oui, le livre suit la même trame que le film, sauf sur la fin. Dès le début, il indique que l'attaque des hippies chez Rick Dalton à eu lieux antérieurement. Mais du coup on se retrouve les bras ballants à ne plus du tout savoir comme tout ça va finir. Et ça je l'avoue, c'est ce qui donne envie de finir le livre. Comment cela va-t-il donc ce terminer ? On a un final super touchant, mais qui encore une fois serait une merveille à l'écran, filmé avec une caméra entre le mains de Tarantino, mais qui à l'écrit n'a pas vraiment l'impact escompté.
Mais bon, je prends garde à bien dissocier les deux versions pour ne gâcher en rien le plaisir du film. Ça m'a donné envie de le revoir une énième fois. Je l'ai donc à nouveau regardé avec autant de plaisir et d'émotions. Tout va bien.