/!\ Risques de spoil /!\
Ce livre m'a beaucoup plu parce que je l'ai trouvé extrêmement touchant. Il m'a plus donné l'impression de lire un journal intime tellement les lettres adressées à son ex-mari sont faites à coeur ouvert.
Eva retrace par le biais de souvenirs - entrecoupés de ses visites à Kevin à Claverack - toutes ses pensées vis-à-vis de la maternité, son envie soudaine d'avoir un enfant, ses appréhensions, ses attentes, et toute l'éducation et la relation avec Kevin qui s'en est suivit. Le caractère de chacun des membres de la famille est exposé au travers de ces "moments clés", typiques des situations entre chacun et de l'évolution de leur famille.
Des souvenirs qui évoquent aussi selon elle des signes avants-coureurs de ce qui allait suivre. Elle essaye également de mieux comprendre Kevin et la part de responsabilité qu'elle pourrait avoir dans l'évènement funeste.
On la suit donc, elle, Eva, trentenaire satisfaite de son couple assez indépendant et de son travail qui l'amène à voyager dans tous les coins du monde ; quand soudain arrive comme sujet sur la table l'idée d'avoir un enfant d'une manière peut-être plus sérieuse qu'habituellement et où elle envisage cette possibilité.
Kevin finit donc par venir au monde et Eva abandonne quasiment son job de rêve (avec quelques velléités sur des voyages par ci par là quand son fils aura grandit) pour faire l'éducation de Kevin, sous la pression permanente du jugement de son compagnon qui a une idée très typée de la manière dont une femme doit être présente auprès de son enfant (une idée qu'on a tous : une mère qui voyage tout le temps ça fait mauvais genre ; c'est d'ailleurs pour ça qu'on peut trouver à Eva ce côté froid et désintéressé dès le départ), n'hésitant pas à la culpabiliser de ses envies de liberté.
Elle aborde plusieurs sujets de manière très sincère et parfois crue. Des pensées parfois même choquantes, pas tant dans le fond mais dans le simple fait qu'elle ose les dire tellement cela touche des sujets tabous (le désamour d'une mère pour son enfant, etc) qui la rend en même temps extrêmement touchante.
El décèle chez Kevin un caractère pervers et se sent totalement incomprise et non soutenue par son mari qui - ne vivant pas avec Kevin la journée - met ça sur le dos d'Eva et de ses regrets. D'autant plus que Kevin se comporte de manière mielleuse avec son père lorsqu'il rentre du travail contrairement au démon qu'il est avec sa mère.
Le père, Franklin, idéalise tellement la vie qu'il aimerait avoir qu'il ne se rend pas compte de ce qui se passe. Les propos de sa femme à bout il les interprète comme quelque chose ne devant être ni dit ni entendu, ne pouvant même exister. Il met tout ça sur le compte du ressentiment qu'à Eva d'avoir laissé son ancienne vie, chose qu'elle ferait payer à Kevin en le dénigrant auprès de son père ou en se montant simplement la tête toute seule. Elle exagérerait.
Quant à Kevin, il est décrit comme un enfant à double-face. Faux et tendre avec son père, vrai et cruel avec sa mère. D'une manière c'est comme s'il estimait suffisamment sa mère pour se permettre de lui montrer tout son potentiel, toute son intelligence au niveau du machiavélisme et que son père idiot voire bêta ne méritait que le minimum d'attention qu'il attendait désespérément. Il est machiavélique, sachant que sa mère ne pourra rien dire parce qu'elle paraîtrait ridicule et paranoïaque d'accuser un enfant de tant de subtilité et de méchanceté sans aucune raison apparente.
Il semble perturbé pendant tout le récit, comme si il lui faisait payer quelque chose avec parfois des petites "pauses" comme lorsqu'il était malade et qu'il n'avait plus la force de rejeter sa mère et de faire semblant d'apprécier son père qui est trop surfait et inintéressant. Mais une fois la maladie finie, on reprend les mêmes et on recommence !
Kevin reste montré aussi comme un adolescent qui veut provoquer, ne serait-ce que lorsqu'il se gargarise devant sa mère de connaître ses autres collègues "mass murder" adolescents. Ca n'est même pas pour le décrédibiliser, mais plus pour montrer cette part peut-être en souffrance qui veut choquer et montrer qu'il est dur (tout du moins je l'ai perçu comme cela). Son amour pour sa mère se profile même mais toujours dans la suggestion, comme si trop de haine accumulée l'empêchait de montrer ce genre de faiblesse.
Cette mère qui peut laisser présumer une certaine indignité et un certain égoïsme n'est pas jugée, on nous présente juste un état des lieux, dire "ah non c'est pas bien" n'est pas le but recherché.
Le livre pêche un peu d'un côté pour moi car on n'a pas vraiment de réponse sur à quand remonte les ressentiments de Kevin pour sa mère. Je suis un peu frustrée à ce niveau mais tout se passe à un tel autre niveau que ça n'empêche pas à ce livre d'être pour moi un gros coup de coeur.
Ça reste un gros racontage de life qui peut rebuter certains ; on peut s'y perdre dans l'espace temporel évoqué, les personnes concernées, les références qu'on n'a pas forcément, toutefois on finit par sacrément accrocher tellement on touche à l'humain.
La fin reste dans la même tonalité tristement tendre d'une mère et d'un fils qui finissent par se retrouver après toute l'horreur des derniers évènements et leurs conséquences. En demi-teinte.
Gros, énorme, gigantesque coup de coeur. Quelques qualificatifs : humanité, sincérité, tristesse, tendre amour. Bouuuh.
Petite note : le film - que j'ai vu avant de lire le livre - est très bien, l'émotion est bien transmise par des acteurs incarnant merveilleusement les personnages. Ça n'aura pas été un problème malgré la dernière surprise que je connaissais donc par avance.