Comme d’habitude, Olivier Adam s’inspire d’un artiste pour lui dédier ce roman choral, présenté sous forme d’une enquête parfaitement réussie. L’épigraphe est un hommage à l’artiste Jean-Louis Murat, trop rapidement disparu. Dans un petit village, près du lac d’Annecy, Olivier Adam y implante son nouveau roman dont le titre peut surprendre : « Il ne se passe jamais rien ici. »
Quelques bouts de l’histoire
Antoine commence ce roman choral. À près de 38 ans, il ne s’est toujours pas « rangé », trop fragile dit sa grande sœur, trop feignant pense son père, trop peu fiable disent les commerçants qui l’ont déjà employé.
Il vit dans le studio de ses grands-parents, au troisième étage d’un immeuble de locations saisonnières où son père l’a sommé de se faire le plus discret possible. Son père, il semble le fuir, trop à lui poser de question, lui, le conseiller municipal. Sa mère est diagnostiquée d’un Alzheimer précoce. Son frère n’est plus son confident depuis longtemps, et sa grande maison trône fièrement au-dessus du lac.
Antoine travaille avec Alexandre, son ami d’enfance, ces temps-ci, comme aide brocanteur. Sa grande sœur et son beau-frère tiennent un hôtel au bord de la faillite. Marlène est son ex avec Nino. Depuis peu elle lui laisse le voir bien qu’il ne peut plus payer la pension alimentaire.
Seulement, un matin, le corps d’une femme est retrouvé au bord de l’eau ! Le suspense monte jusqu’à la confirmation de l’identité de ce féminicide. Antoine est la dernière personne A l’avoir vu vivante. De plus, tout le monde connaissait leur relation tumultueuse.
Enquête prétexte
Olivier Adam n’est pas un auteur comme les autres. À travers tous ses romans, c’est la France de ceux dont on ne parle pas, de ceux qui traînent leurs difficultés au fil de leur vie. Devenus héros de romans, ils forment au fil de ses pages, une sorte d’armée d’ombres contemporaines.
Au trois-quarts de ce roman, tout craque ! Les tourismes partis, le village vit en autarcie. Seulement, la perfection n’existe pas, malgré les efforts de certains. Les secrets, les comme-ci font éclater les apparences.
La critique sociale d’Olivier Adam est acerbe, brute et fine. La violence n’est pas uniquement celle qui tue, elle est larvée et insidieuse. Arme de destruction passive, car arme du paraître, employée par ceux qui veulent se distinguer du groupe.
Inès la subit, elle qui dérange avec son handicap, qu’on ne nomme pas. Caché, il semble ne pas exister ! Pourtant, tout le temps, elle subit les assauts de cette violence insidieuse.
Fils d’une mère arabe, le policier de l’enquête subit le racisme presque ordinaire, lancinant. Il devient émergeant rapidement pour le faire taire et lui montrer qui a le pouvoir.
Mais, Antoine reste la principale victime ! Celui que tout désignait, sans présomption d’innocence, est accusé. Ici, les préjugés, les jugements hâtifs, la rumeur va finir de détruire un homme pas tout à fait armé pour affronter la dureté du monde.
Roman noir excellent !
L’écrivain brosse le portrait d’un homme loin des stéréotypes de masculinité dominants : celui qui affiche sa force, s’accroche au pouvoir, exprime la nostalgie du passé, refuse de faire des erreurs ou de douter, et reste influencé par son histoire. Néanmoins, Olivier Adam ne prône pas la révolution, laissant les plus faibles se plier devant les plus forts.
Ce roman « parce qu’il n’y a que là que l’on parle vraiment de la vie. Pas des actualités, mais de la vie. Pas d’un sujet, mais de la vie » est l’occasion pour Olivier Adam de nous décrire notre monde, sans concession, sans fioriture, juste comme il est ! Et dans Il ne se passe jamais rien ici, il nous signifie que ce féminicide et l’évolution que subit Antoine ne changeront nullement la face du monde. Chacun retourne à son théâtre d’apparence. Juste notre niveau de conscience en est éveillé.
En bref, un excellent roman noir !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/05/21/olivier-adam-il-ne-se-passe/