Le retour du fils prodigue
Honoré de Balzac présente dans Illusions perdues un portrait saisissant du journalisme et du monde de l'édition, à travers l'histoire de personnages naïfs qui, le titre l'annonce, perdront à tour de rôle leurs illusions.
La première partie décrit la relation entre les personnages principaux de la manière la plus classique qu'il soit. Cette partie annonce déjà les faiblesses des personnages, la naïveté et la gentillesse de David, la vanité et la prétention de Lucien. Cette longue introduction n'est pas la meilleure partie du roman, même si le jeu de pouvoir des bourgeois et aristocrates de campagne, qui annoncent d'ailleurs les jeux politiques parisiens, donne lieu à plusieurs rebondissements et déjà, à quelques pertes d'illusions.
La seconde partie, de loin la plus longue, est aussi la plus passionnante. Balzac décrit un Paris de fête, rempli de théâtres, de réceptions, d'argent, qui côtoie et écrase la pauvreté. Toutes ces descriptions sont l'occasion pour l'auteur de donner son opinion sur des thèmes aussi divers que la démarche artistique, le journalisme (ici, plutôt politique et culturel), le marché de l'édition, la librairie, etc. Il porte sur tous ces univers un regard éclairé et désabusé, mais empreint de romantisme. Il suffit de voir comment sont présentés les artistes du Cénacle, qui passent la beauté de l'Art avant tout et sont les personnages les plus désintéressés du roman.
Ces deux premières parties peuvent être lues indépendamment et chacune aurait pu être l'occasion d'un roman. La première partie, avec l'amorce de la relation amoureuse entre Lucien et Mme de Bargeton suivi de leur fuite, étouffés par l'hypocrisie de l'aristocratie provinciale. La deuxième, décrivant la réussite de Lucien, puis sa chute et son retour à son point de départ.
Ces conclusions logiques rendent la lecture de la troisième partie difficile. D'abord, parce que l'histoire développe de nouvelles péripéties, alors que l'histoire aurait pu se terminer, et donne ainsi un arrière goût de rajout. Ensuite, parce qu'il s'agit d'une partie consacrée aux aberrations judiciaires, qui, si elles sont intéressantes, ne sont pas forcément agréables dans un roman. Enfin, par l'absence de revanche de la part des personnages principaux, qui sortent la tête de l'eau uniquement pour retourner se noyer plus profondément.
Le fatalisme de Balzac, les personnages ne tirant aucune leçon de leurs faiblesses, continuant inlassablement à être gouvernés par elles, même s'il est atténué par une fin relativement heureuse est assez exaspérant. Mais le soin et la recherche des descriptions, l'exhaustivité des informations en font un grand roman, indispensable pour la personne qui voudrait avoir un portrait du Paris de la première moitié du XIXe siècle.
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