Jeu de massacre
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« Nous vivons une époque moderne ; le progrès fait rage, le futur ne manque pas d’avenir ». Ainsi Philippe Meyer concluait naguère ses chroniques matinales sur France Inter.
« Dix petits nègres » débaptisés. C’est officiel dans le monde entier ; pour l’édition française aussi, bien entendu.
En définitive, cette décision ne t'aurait peut-être pas choqué, chère Agatha. Toi, qui, aussi bien dans ta vie personnelle que d'écrivain, n'as cessé de tricher. D'abord avec les codes du roman d'enquête : « le meurtre de Roger Ackroyd », le coupable ne peut jamais être le narrateur ; « le crime de l'Orient express » : on ne doit jamais, dans un whodunit, mettre en scène plusieurs coupables (ici, en l’occurrence, ils le sont tous) ; les domestiques ne sont jamais des assassins, mais souvent tu as usé et abusé du procédé.
Bref, chère Agatha, il paraît que ton petit-fils aurait autorisé, sans pression aucune..., (1) la modification du titre de ton roman, « Dix petits nègres ». Eh oui, on récolte toujours ce que l'on sème, même au fin fond de l'éternité.
Ton hypocrisie, toujours fort bien mise en scène, et dont tu n'as jamais rien caché après avoir, un jour, mystérieusement et lâchement disparu, te rend visite par-delà les morts.
Mais tu étais une femme libre, Agatha.
Ajoutée à ta trahison du whodunit, par la violation de ses codes les plus élémentaires, que reste-t-il de toi ? : ton livre, peut-être le plus populaire, travesti par des ayatollahs de la pensée – « couvrez ce sein que je ne saurais voir » (2) -, au profil de ceux, lobotomisés, qui, déjà depuis longtemps, ne savent plus penser et réfléchir !
Au fond, je dois les remercier, chère Agatha. Je réfléchissais à un titre pour mon roman à paraître dans quelque temps. Le voici : « Dix petits nègres » Ce titre n'est-il pas libre, désormais ? Et de mon vivant, nul ne le débaptisera, sauf à déposer une requête auprès du garde des Sceaux à l’effet de substituer à mon nom patronymique celui de Dieu.
C’est une chronique quelque peu funèbre, Agatha. Mais avec la dépouille des soldats de l’an II, ceux de la résistance, de Colbert, de Jean Jaurès, de Picasso ou de Stefan Zweig et de tant d’autres - hommes et femmes politiques, résistants, poètes ou écrivains, mais tous épris de liberté -, repose en paix Agatha
Michel BLAISE
1) - Les héritiers d’Agatha Christie affirmeraient que ce seraient à la demande de l’éditeur ; celui-ci affirmerait l’inverse. Nul doute que tout s’est honteusement déroulé sous la pression des » Social Justice Warriors » et des réseaux sociaux qui ne savent plus où donner de la tête pour faire flèche de tout bois en lançant, bien au chaud derrière leur clavier, des combats destinés à faire bouger la tectonique de notre plaque civilisationnelle.
2) Molière, « Tartuffe »
Blogue[1]
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Créée
le 27 août 2020
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