Au cours d’une dédicace avec Pete Fromm, je lui confesse que je ne suis qu’à la moitié du livre, m’étant fait opérer des yeux quelques jours auparavant. Sous sa moustache bien fournie, il me répond avec un grand sourire “Ah mince, du coup, tu sais que je suis rentré vivant !”. Sous cette mini anecdote se cache quelque part l’esprit d’Indian Creek. Une aventure spontanée et un peu dingue d’un Américain qui n’a pas froid aux yeux.
La vraie motivation de Pete Fromm était effectivement de se lancer un défi. Nulle rédemption ou réelle quête existentielle ici, Pete Fromm veut imiter les trappeurs de ses lectures, et avoir des histoires à raconter pour ses vieux jours. Et il faut bien avouer que ses premiers pas de Robinson Crusoé version “pieds nickelés” sont assez savoureux. Par exemple, la veille de partir, il se rend compte qu’il ne sait même pas où il va passer les 7 prochains mois. Cette spontanéité et cette insouciance flirtent gentiment avec l’inconscience et font un bien fou. Le récit de Pete Fromm est en effet plus rafraichissant et plus léger que d’autres récits d’aventure tels que “Into the Wild” ou “Wild”. Et passé cette première impression d’étudiant un peu bête et fou, on se rend compte qu’il est vachement fort quand même. Il arrive à se nourrir tout seul rapidement, à piéger des animaux (et à tirer sur tout ce qui bouge également), à tanner des peaux… Pas si mal pour un gamin de 19 ans qui ne sait à priori “rien faire”.
Mais passé la moitié du récit, j’avoue m’être un peu lassé de cette simplicité première, et qui tend de plus en plus vers l’énumération d’évènements. Pour écrire ce livre, Pete Fromm a repris douze ans plus tard ses journaux de l’époque pour compiler son histoire d’abord sous forme de feuilleton, puis dans un seul et unique récit. Et ça se sent à certains moments de lecture. Les évènements s’enchainent chronologiquement, sans forcément beaucoup de lien, et surtout sans que Pete Fromm nous fasse vraiment ressentir son émotion du moment. Bien sûr, certains moments restent touchant. Lorsque son ami Razer vient le chercher pour lui annoncer son mariage, et qu’il se demande s’il ne gaspille pas sa précieuse jeunesse à jouer au trappeur tout seul dans les bois. Ou encore, lorsqu’il parle du retour du son de la rivière au moment du dégel. Mais contrairement à Wild, où je me suis beaucoup identifié à son autrice, j’ai été peut-être été un peu moins passionné par l’hiver de Pete Fromm.
Indian Creek reste donc un joli récit initiatique, rempli d’une grande sincérité. Il aura juste manqué peut-être d’un poil de profondeur et d’émotion pour me marquer, mais c’est pas grave, j’y étais quand même dans ces montagnes du Montana.