Indiana est le premier roman publié sous le nom de George Sand. Il raconte les déboires sentimentaux d’une femme du monde tiraillée entre un mari, le Colonel Delmare, ancien militaire, homme d’affaires de la Restauration, Raymon, un amant, aventurier sans scrupule et Ralph, un cousin et ami d’enfance d’Indiana, austère mais d’une fidélité sans failles. La psychologie d’Indiana est influencée par ses origines métisses de l’île Bourbon. Sa naïveté et sa beauté toutes exotiques se heurteront à un monde libéral dur où la femme est tenue de rester à sa place.
Noun, une soeur de lait, métisse de Bourbon comme elle, plus belle encore est une domestique dévouée.
Le fil de l’histoire est simple. Il se déroule en quatre parties : une exposition pour la présentation en situation des personnages puis une première attaque sentimentale de Raymond sur Noun, marche-pied terrible pour la troisième partie où Raymond séduira Indiana et la quatrième partie raconte un retour aux sources, sur l’île Bourbon et c’est là que l’histoire se dénoue.
Au cours du roman, chaque personnage se situe sentimentalement, socialement, politiquement. Ralf observe ce petit monde qui se retrouve dans la propriété du Colonel Delmare, le Lagny. Ici on trahit et on séduit. Lui semble “ex-machina”, mais il voit tout et entend tout et il est terriblement efficace quand il faut courir après quelqu’un qui voudrait attenter au bonheur d’Indiana.
Les personnages ont de l’épaisseur, les situations sont bien campées : la visite de l’usine du Colonel Delmare et la rencontre des ouvriers, les scènes de chasse, les intrusions furtives de Raymon dans le domaine du Lagny et les situations ambiguës de Raymon dans les appartements privés d’Indiana nous font palpiter d’inquiétude.
Toutes ces situations et ces personnages aboutissent, de mon point de vue, à deux lettres magnifiques, l’une de Raymon à Indiana alors retournée sur l’île de Bourbon avec son mari puis la réponse d’Indiana à Raymon qui a encouragé Indiana à suivre son mari à Bourbon en attendant des jours meilleurs.
Dans la première lettre, Raymon déploie toute sa rhétorique - qui est brillante - pour exprimer sa décision de rompre avec Indiana tout en préservant, orgueil suprême, l’amour d’Indiana pour lui : un sommet d’hypocrisie.
Dans la seconde, Indiana, accuse réception de cette rupture sans en vouloir à Raymon. Au contraire, elle se sent coupable de ne pas avoir assez aimé.
La fin du livre est splendide et palpitante, dans une île Bourbon luxuriante. Impossible de la raconter. Le dénouement est inattendu.
Le roman est une interrogation sur le fonctionnement du couple où l’homme et la femme sont malheureux, l’un tarodé de jalousie et l’autre flouée par des promesses non tenues. L'amitié semble être son meilleur viatique.
Vu à sa sortie en 1832 comme un brûlot contre le mariage, la lecture d'Indiana demeure un "must", par la qualité de son écriture mais aussi par sa trame et les digressions signées George Sand.