Voici un livre qui ne peut laisser indifférent. C’est l’histoire vraie d’un jeune homme qui en 1990 renonce à la civilisation pour vivre pleinement au contact de la nature, par ses propres moyens. Pendant deux ans, il mène une existence marginale, une vie d’ascèse, toute spirituelle, entre petits boulots, chasse et cueillette. Emboîtant le pas d’aventuriers comme Thoreau ou Jack London, il sillonne ainsi l’Ouest des Etats-Unis, jusqu’en Alaska où il trouvera la mort dans de terribles souffrances. Or Chris McCandless avait en apparence tout pour être heureux : des parents aimants, un confort matériel et de brillantes études à son actif. Comment dès lors expliquer ses choix ?
Ce fait divers, à première vue banal – la mort d’un « campeur » imprudent –, a eu en Alaska et au-delà un retentissement énorme auquel Jon Krakauer à beaucoup contribué. Dans son ouvrage, ce journaliste mène l’enquête pour restituer l’itinéraire de McCandless et comprendre ses motivations profondes. Il suit ainsi les traces du jeune homme sur des milliers de kilomètres et interroge ceux qui ont croisé sa route. En guise de comparaison, l'auteur évoque aussi sa propre expérience au seuil de la mort, dans la montagne, et il mentionne d'autres voyageurs excentriques qui, depuis le XIXème siècle, ont tenté un retour à la Nature.
De ces recherches émerge un portrait fascinant, celui d’un garçon idéaliste, intelligent et rebelle, mais d’un extrémisme inquiétant. Au fil des pages, j’ai éprouvé des sentiments ambivalents envers cette personnalité hors du commun. Lorsque Chris brûle ses billets de banque, refuse toute aide extérieure et coupe radicalement les ponts avec ses parents, on est tenté de le croire égocentrique, naïf, voire fou, pour ne pas dire suicidaire. Mais toutes les souffrances qu’il affronte, jusqu’aux limites de l’endurance humaine, révèlent son courage et sa sincérité. Et puis il faut reconnaître qu’il y a quelque chose de sublime dans sa quête de pureté. Ce besoin de fusion avec la nature, bien d’autres l’ont éprouvé avant lui. Serait-ce un désir fondamental de l’être humain ? Peut-être, mais combien seraient capables de sacrifier leur confort pour y accéder ? Si les provocations de ce jeune nous semblent si dérangeantes, c’est parce qu’elles remettent en cause le mode de vie généralement admis et suscitent en nous tous des interrogations existentielles. C’est une lecture à la fois émouvante et éprouvante, sans doute difficile à oublier. J’ai hâte de voir le film.