Pour réussir une mayonnaise, les ingrédients seuls ne suffisent pas. Le coup de main, la magie de l'alchimie et une implication audacieuse sont les clés du succès. Et c'est, métaphoriquement, ce qui fait défaut à ce roman. Rien ne "prend" malgré tous les thèmes austeriens présents ici : l'inévitable mise en abîme (Auster l'écrivain qui écrit sur un écrivain qui écrit lui-même sur lui-même, bref), la dèche du narrateur, les personnages aux intentions troubles et prisonniers de leurs choix, les coïncidences qui n'en sont peut-être pas, le Paris bohème des années 60 etc. Malheureusement Auster fini par se caricaturer comme s'il s'imposait des passages obligés, qu'ils soient ou non cohérent avec l'intrigue. On sent qu'Auster est persuadé de tenir un sujet passionnant et, pris lui-même dans la toile de son engouement, d'exercices de style en recherche d'originalité dans la structuration du récit, tout devient très vite brouillon. Avec des "personnages alibi" sans aucune épaisseur, une histoire sordide pour ménager un effet au final anecdotique, Auster se perd et le lecteur avec. Même le style laisse à désirer. Ca se lit, certes, mais plus d'un tiers du livre ressemble à une solution de facilité, une mauvaise ébauche de roman.
Au final, ça sent le livre de commande à plein nez, écrit à la va-vite en deux semaines afin de remplir le contrat et en misant sur son simple nom pour vendre. Des thématiques intéressantes, un sujet original qui auraient mérités un bien meilleur traitement. Dommage. Et donc, malgré quelques fulgurances de-ci de-là, la principale qualité de ce roman reste son petit nombre de pages.