Ceux qui prennent
Selon Ishmael le gorille, la physionomie actuelle de l'humanité a commencé à se dessiner il y a 10000 ans, avec les prémices de l'agriculture. Ce fût alors la première forme connue de contrôle d'un...
le 31 mai 2021
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Selon Ishmael le gorille, la physionomie actuelle de l'humanité a commencé à se dessiner il y a 10000 ans, avec les prémices de l'agriculture. Ce fût alors la première forme connue de contrôle d'un animal sur son milieu naturel. Avant cela l'homme devait chaque jour s'aventurer dans la nature pour y cueillir des baies, dénicher des racines ou chasser des animaux, avec le risque de croiser la route d'un rival, grand félin ou ursidé, mieux équipé que lui dans la quête de nourriture. Rentrer bredouille faisait également partie des aléas de ce mode de vie.
L'homme commença donc à prendre : il confisqua des terres pour y cultiver des céréales, croisa et tria sélectivement des animaux sauvages pour en faire des moutons, des vaches ou des chèvres. C'est ainsi qu'il s'affranchit de son milieu naturel, ne cessant de le repousser au fur et à mesure où sa démographie croissante, rendue possible par une nourriture désormais accessible et abondante, voyait s'étendre son hégémonie aux confins des cinq continents.
La forêt, la savane, la toundra, la steppe, la taïga autrefois berceaux de l'homme chasseur-cueilleur devinrent milieux hostiles s'ils n'étaient pas propres à une conversion utile à l'homme agriculteur-éleveur.
Toutefois, pendant des millénaires les maladies, décimant les populations, les évolutions du climat provoquant pénuries et famines, maintinrent l'homme inféodé à son environnement. Ce n'est qu'au cours des derniers siècles que les progrès de la médecine et de la technologie permirent à l'homme de s'émanciper presque complètement des contingences du milieu naturel et de considérer ce dernier comme un réservoir universel dédié à tous ses besoins. L'expansion galopante de l'être humain a pour corollaire la mise à sac de l'environnement par le pillage des ressources naturelles (animales, végétales, minérale, fossiles), l'urbanisation de surfaces toujours plus vastes et le rejet dans l'air, en terre ou dans l'eau de substances polluantes.
Concept paroxystique de "ceux qui prennent", la croissance indéfinie, destinée à alimenter la société de consommation, est une aberration sur le plan environnemental. Les espèces, qu'elles soient animales ou végétales connaissent certes des périodes de croissance mais aussi de stagnation ou d'effondrement.
Prendre, prendre sans discernement, sans se préoccuper de la pérennité d'un tel comportement, telle est la stratégie de l'animal homo sapiens sapiens. Aucun autre animal ne s'est conduit ainsi. La seule comparaison possible serait avec le virus qui infeste son hôte sans se soucier de la survie de ce dernier. La différence, qui rend donc la comparaison injuste pour le virus, est que la particule infectieuse aura eu le temps, avant d'éventuellement tuer son hébergeur, de trouver par le biais de la contamination un nouvel hôte. Rien de tel pour l'homme qui ne peut pas compter sur une autre planète pour assurer sa survie quand il en aura terminé avec la terre.
Très récemment à l'échelle de l'histoire de l'humanité, une frange de plus en plus importante de "ceux qui prennent", fédérée parfois sous le nom d'écologistes (mais pas seulement), s'inquiète de l'empreinte sacrilège de l'homme sur le milieu naturel. Le terme "développement durable" que nombre de défenseurs de la nature utilisent, constitue un oxymore irréductible et prouve que les mentalités peinent à évoluer.
Qui sont, selon Ishmael, "ceux qui prennent" ?
Tout le monde ou presque. Que vous soyez boulanger, avocat, ouvrier, employé de bureau, ingénieur, artiste, homme politique ou maçon votre place dans la société moderne, quels que soient le pays ou le continent, vous garantit hélas un siège parmi "ceux qui prennent". Bémol (très) important : votre responsabilité. Elle n'est pas engagée du tout de la même manière selon que vous soyez pauvre (moindre contribution à la consommation) ou riche, acteur ou simple spectateur du développement, adepte d'un mode de vie "raisonné" ou gaspilleur.
Et qui sont "ceux qui laissent " ?
Depuis le génocide des américains natifs par les colons européens, il ne subsiste plus que quelques tribus d'amérindiens en Amazonie, chasseurs-cueilleurs, derniers représentants de la catégorie de "ceux qui laissent" (suite à un commentaire pertinent, je précise que d'autre tribus parviennent encore à survivre en Afrique et en Asie).
Lire Ishmael, c'est un bon début pour sauver le monde !
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le 31 mai 2021
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