Prends-toi en main ! C'est ton destiiiiin ! (air connu)
On peut dire que je l'aurais sans cesse repoussé aux calendes grecques, cette lecture de "Jane Eyre", classique des classiques rédigé par Charlotte Brontë dont on me vante les mérites depuis je suis en âge de déchiffrer ces étranges hiéroglyphes que l'on nomme lettres. Que voulez-vous, les amourettes champêtres en costume ne m'ont jamais passionné, ça serait même tout le contraire. Désireux d'étaler ma science en soirées afin d'illuminer les pupilles de charmantes demoiselles, je saute enfin le pas et me plonge dans la lecture de "Jane Eyre".
Ce qui saute avant tout aux yeux, c'est l'étonnante modernité du style et du récit. Si l'on est bien ici en présence d'un pur roman gothique à l'anglaise, avec ce que cela implique de déclarations romantiques à la lueur des bougies et autres envolées fougueuses, Brontë a l'originalité de nous présenter une héroïne loin des canons de beauté habituels, aux traits peu avantageux et à la grâce toute relative. Mais surtout, sa Jane s'éloigne des jeunes filles en fleurs passives attendant lascivement la venue de leur prince charmant, personnage fonceur et solitaire, féministe avant l'heure, sujette bien évidemment aux tourments du coeur mais n'ayant besoin de personne pour se choisir un destin.
Même son de cloche en ce qui concerne les personnages secondaires, merveilleusement bien croqués et bien plus profonds que ce qu'ils laissent entrevoir, en premier lieu le personnage en apparences solide de Mr Rochester, être sauvage et insaisissable bien plus fragile qu'il le laisse penser. Des protagonistes dans l'ensemble attachants, dont la nature entrera plus d'une fois en résonance avec les éléments naturels, rapprochant parfois le récit du fantastique.
L'air de rien, je me suis donc retrouvé à éprouver une réelle empathie pour le destin de cette demoiselle trop vive et trop atypique pour la bonne société anglaise, suspendu que j'étais au déroulement de ses amours contrariés, tout en émettant de sérieuses réserves quant à une dernière partie bien moins passionnante, à son côté prêchi-prêcha et surtout au dédain douteux dont fait preuve la romancière envers certain types d'individus.