Après avoir été émerveillé par la plume de Jane Austen, je voulais retrouver un roman avec des thèmes similaires. Mon choix s'est donc porté sur l’œuvre de Charlotte Brontë, autre grande figure de la littérature britannique du XIXème siècle.
Rapidement, le ton de Jane Eyre est donné. L'auteur ne cherche pas à tourner en dérision les mœurs de son époque. Au contraire, elle les dépeint frontalement pour mieux les dénoncer. Cela se ressent énormément dans la construction du personnage principal. Au premier abord, on pourrait penser qu'il est similaire à celui d'Orgueils et Préjugés, mais Elisabeth Bennet a surtout un esprit vif et insolent, là où Jane Eyre est plus calme, plus réfléchie. Son esprit rigoureux la pousse continuellement à faire ce qui lui semble le plus correct, au mépris de ses propres sentiments, et aussi des conventions. Très sensible aux injustices, elle revendique, plus ou moins explicitement, une certaine liberté, ce qui fait d'elle un personnage très moderne.
L'histoire est racontée par l'héroïne, cette dernière déverse donc un peu d'elle-même dans le récit. Charlotte Brontë a parfaitement su retranscrire cette impression. Jane emploie un vocabulaire assez expressif et poétique pour les descriptions, sauf quand il s'agit de traduire ses sentiments. Elle devient alors beaucoup plus simple et logique dans son propos. Par ailleurs, le fait que la narratrice s'adresse directement au lecteur établit une connexion entre les deux, on a rapidement l'impression de tenir une conversation intime avec une amie proche.
Pour les plus réfractaires aux histoires d'amour, sachez que le livre s'attarde sur la vie de Jane. Bien sûr, l'intrigue s'articule autour de la romance, mais elle comporte deux ou trois sous-intrigues ainsi que quelques rebondissements, ce qui permet de ne pas avoir qu'un seul fil rouge. En outre, l'idylle de Jane est bien écrite et n'a rien de niais, il suffit de lire la déclaration qui survient au milieu de l'histoire pour s'en convaincre : elle est pleine de passion et de rage, à tel point qu'on a l'impression que le personnage est en train de s'arracher le cœur !
J'étais au départ sceptique. Le début emprunte beaucoup à Cendrillon, mais Charlotte Brontë tire rapidement son épingle du jeu en proposant une écriture fine qui joue autant sur les mots anglais que français (en version originale tout du moins). Et puis, Jane Eyre est une femme solide. Tel le roseau, elle plie mais ne rompt pas. Pas étonnant que l'histoire de la littérature l'ait retenue.