Quel plaisir de replonger dans les ouvrages de Michel Pastoureau et ses histoires de la couleur, initiée, il y a fort longtemps, avec son histoire de la couleur bleue, favorite de l'Occident. Mais me demandais je, après le bleu ou le noir, est-ce bien utile d'agrandir mon nuancier ?
Jaune, l'histoire d'une couleur vient de me prouver que j'avais grand tort. Ce bref essai (en gros un peu plus de 150 pages hors notes) est écrit dans le style fluide, agréable et riche en anecdotes de Pastoureau et sur la forme c'est comme toujours une réussite.
Sur le fond, je pense que l'histoire du jaune vaut vraiment le détour : moins lié aux autres couleurs dont Pastoureau avait pu divulgacher l'Histoire en racontant celle du bleu, comme l'Histoire du noir, le jaune avait somme toute été jusqu'alors peu abordé, ce qui confère un plaisir de la découverte plus grand.
Mais surtout, l'histoire de cette couleur en Occident, souvent prisée en tant que couleur dorée, beaucoup moins une fois sortie du cadre de l'or, progressivement bannie de l'espace public au sortir du Moyen âge et assimilée à la traîtrise, la maladie ou la marginalité-hérétique ou sociale mérite qu'on s'y arrête, tant le jaune est certainement la plus dépreciée de nos trois couleurs primaires.
Dans cet ouvrage vous trouverez son rôle important, mais loin derrière le Rouge dans la Rome antique, sa dimension prisée chez les femmes jusqu'à la fin du Moyen âge, sa diabolisation progressive, des rouelles de Saint Louis à la contestation des couleurs chatoyantes par la Réforme, ainsi que ses courts moments de ré-émergence au XVIIIe ou avec les impressionnistes. Seul le doré (et encore) survivra à ce déclin d'une couleur qui n'a jamais été au sommet en Occident (au contraire d'autres pays comme la Chine) mais en a tutoyé les bas fonds et permet de jeter une lumière différente sur l'histoire sociale de l'Europe.
Vous pouvez le lire sans crainte, jaune histoire d'une couleur vaut de l'or !