Ludlow Washington est abandonné à 5 ans par ses parents dans une institution pour aveugle. Il y apprend la musique et se révèle extrêmement doué pour cela. Cela lui permet de quitter plus tôt les brimades et le huis-clos du lieu pour intégrer un orchestre. Une nouvelle vie commence pour lui, une vie à laquelle il n’est pas préparé. L’amitié de Hardie, un autre membre, lui est d’une aide précieuse. Progressivement, il devient autonome et prend son envol sur les scènes de Jazz New-yorkaise. Il fait parti de l’avant-garde de Harlem. Malheureusement il est hanté par son enfance volée et ses déboires amoureux.


Ludlow découvre la sexualité et les femmes. Il connait les humiliations et les doutes et cela fait ressortir chez lui une certaine forme de colère. Il a passé son enfance et son adolescence entouré de garçon et n’a autour de lui aucun modèle de couple. Son rapport aux femmes est donc très compliqué et biaisé. Seul son ami Hardie lui fourni des conseils mais ce dernier est un garçon volage qui ne l’aide pas forcement dans ses questionnements. Les relations amoureuses sont un des sujets principaux du roman. L’échec de ses amours a une grande influence sur sa carrière. La question de l’amour entre noir et blanc et de l’acceptation de la passion de l’autre se pose également. Ludlow, tout comme Hardie, à un rythme de vie très particulier à cause de ses concerts. La femme qui partage sa vie doit composer avec ses nombreuses absences. Le caractère torturé de Ludlow et sa difficulté à communiquer mène bien souvent dans une impasse. Cette impuissance et cette incompréhension de l’amour le pousse parfois à la violence ou la colère. Cela en fait un personnage plutôt contrasté.


La musique est bien sûr au cœur du roman également. Ludlow a la conviction que sans son talent il ferait la manche sur le trottoir. Qu’adviendra t-il d’un noir aveugle et sans argent ? Sa trompette, c’est ce qui le caractérise, ce qui attire les femmes et les louanges à lui. C’est grâce à sa musique qu’il existe. De bars miteux en scènes avant-gardistes, il navigue dans le jazz et fait entendre sa singularité. Sans la musique, il redevient un anonyme, un handicapé ou un noir uniquement.


C’est un texte moins militants que son précédant et plus intimiste. On plonge dans l’âme meurtrie d’un homme et dans ses errements. La question raciale est plus sous-jacente mais néanmoins permanente. Ludlow, en plus d’être noir est aveugle. Il subit une double discrimination et une double marginalisation. Son rapport au monde en est profondément imprégné. C’est un personnage qui m’a touché par ses failles et ses nuances.


Le roman s’achève par un postface rédigée par l’épouse de l’auteur et qui nous parle du contexte dans lequel le roman a été écrit. C’est un texte très intéressant qui montre comment l’écriture et la jazz prenait de la place dans la vie du couple.

Anaïs_Alexandre
9

Créée

le 27 août 2020

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