Après le très (trop ?) dérangeant Débâcle, la romancière flamande fait son retour avec Je ne suis pas là, tout aussi inconfortable mais encore plus maîtrisé et nettement moins complaisant dans le scabreux, ce que l'on pouvait reprocher à certains passages de son premier livre. Il s'agit ici de l'histoire d'un couple, où la narratrice est confrontée à la maladie mentale de son amoureux, une bipolarité aigüe qui se manifeste par un cerveau en surchauffe et des bouffées paranoïaques épuisantes. Cela fait penser à l'excellent et poignant film de Joachim Lafosse (tiens, encore un Belge), Les Intranquilles, mais dans une version bien plus frénétique et minutieuse. Le livre se situe à la marge du thriller, avec un compte à rebours qui revient à intervalles régulier, jusqu'au dénouement fatal (ou pas). En attendant que sonne le glas, le roman remonte le temps et la manière dont la maladie a grignoté la tête de l'un et rendu la vie infernale à l'autre. Comme c'est cette dernière qui raconte, elle n'omet aucun détail, atteinte elle aussi par une sorte de dérèglement de sa raison, s'interrogeant sans cesse sur le bien fondé de ses propres actes, visant à protéger celui qui partage sa vie, quitte parfois à se mettre elle même en danger. La violence psychologique ne quitte guère les pages de Je ne suis pas là mais Lize Spit nous rappelle sans cesse qu'il s'agit aussi d'une histoire d'amour, éperdue et tragique. Il est également fréquent, mais moins dans les dernières pages, que la romancière use d'un humour noir dévastateur et irrévérencieux, qui desserre pour quelques instants l'étreinte, montrant au passage qu'elle n'a peur de rien et surtout pas de choquer. On peut voir aussi dans Je ne suis pas là un roman formidable de la ville de Bruxelles, avec une topographie précise qui ravira tous les habitants et les amoureux de la capitale belge. Ce livre est comme un long fleuve intranquille, à la séduction abrasive et décapante, qui exprime un talent sidérant d'écrivaine dont on se languit déjà de lire les prochaines folies.

Cinephile-doux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mes livres de 2023 et Les meilleurs livres de 2023

Créée

le 6 mars 2023

Critique lue 185 fois

3 j'aime

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 185 fois

3

D'autres avis sur Je ne suis pas là

Je ne suis pas là
Adelyn
7

Critique de Je ne suis pas là par Adelyn

Il est difficile de contester la qualité de la description psychologique que nous offre l'auteure à propos de ses deux personnages principaux, Léonie et Simon, 2 jeunes cabossés par la vie, orphelins...

le 17 mai 2023

1 j'aime

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

72 j'aime

13