Grand nom de l'horreur et de la science-fiction américaine,
fréquemment cité comme maître par Stephen King, Richard Matheson a publié de nombreuses nouvelles et romans qui ont rapidement enchantés les studios de cinéma, et a ainsi vu adaptées certaines de ces œuvres très rapidement, avant d'écrire pour ce média tout aussi vite et tout au long de sa carrière. Il a ainsi participé à l'adaptation de son roman I Am Legend en 1960 avec Vincent Price dans le rôle de Robert Neville, rôle repris par Will Smith quelques quarante-sept ans plus tard.
*I Am Legend* est la chronique un peu détachée de la survie au quotidien de Robert Neville, barricadé seul dans sa maison, après qu'un virus ait fait muter la population mondiale en monstres nocturnes assoiffés de chairs et de sang. Robert a perdu femme et enfant dans l'apocalypse, ainsi qu'évidemment le goût de vivre. Seul un instinct grégaire semble l'entretenir, il faut bien se nourrir, et dormir. Alors Robert boit. Pour passer le temps il bouquine aussi. En buvant. Puis le jour, quand les monstres sanguinaires se reposent, se soustraient aux rayons du soleil, il erre par les ruines de la ville, traque les cobayes pour un éventuel vaccin sur lequel il travaille, à travers lequel il entretient l'espoir. S'il arrive à se lier à ce chien errant qui a su survivre, pourquoi pas plus ? Oui, il reste cet espoir,
l'espoir de ne pas être le dernier homme sur Terre :
à quoi rimerait de survivre seul, unique et ultime spécimen d'une espèce définitivement rayée de la carte ?
Une trame engageante, des questionnements interpellant nos consciences,
un jugement sec et sans concession du sur-consommérisme capitaliste
tapi dans la dépression globale qui tend l'œuvre, I Am Legend contient de beaux élans et de belles promesses. Malheureusement, l'écriture est poussive, simpliste. Peu de grandiloquence littéraire, presque aucune forme de poésie même dans la mélancolie ou dans l'alcoolisme, Richard Matheson déroule son histoire en laissant tristement de côté les sentiments, oh, pas totalement : il prend bien soin d'évoquer les affres que traverse Robert, de l'écrire, mais rien ne transparaît en suggestion, rien ne se découvre, tout est offert, dénudé, prémâché. Et la simplicité du verbe, malgré la justesse du chemin psychique du héros, dessert cependant le livre : le plaisir littéraire semble nié sous un récit servi brut de décoffrage, presque dans la hâte. Laissant un léger sentiment de déception après une lecture tant attendue.
Soyons évidemment indulgents : **Richard Matheson**, en 1954, signait là son second roman après la parution de ses premières nouvelles fantastiques, et ouvrait d'emblée un long cycle de succès critiques et publics en offrant dès les années cinquante
un vent de sanglant réalisme dans la littérature populaire américaine.
Si la lecture en est parfois lassante de par le style dénudé, manquant d'empathie, tout le reste séduit et l'évolution du personnage captive malgré tout. Ainsi, I Am Legend ne semble souffrir que des défauts de cette époque surannée où la littérature de genre américaine se cherche un souffle nouveau et contemporain en en exposant les premiers sangs. Et reste un indispensable.