Et si on parlait de vampires ?
Bien sûr, pas de ceux qui règnent dans nos légendes occidentales depuis la nuit des temps (ou presque), avides de sang humain, monstrueux et sacrilèges... non, non, on va parler du "vrai" vampire. Matheson (prévisionnaire) nous donne un exemple effayant du virus mutant et pandémique qui contamine sans modération nos pauvres chairs. Vu et revu au cinéma comme en littérature depuis quelques temps, l'apocalypse virale prend ici tout son sens puisque le récit se déroulant dans les Années 70 traite le mythe d'un point de vue scientifique.
D'abord s'impose un petit résumé : Robert, digne ex-soldat américain, se retrouve seul parmi des concitoyens morts (pour la plupart) mais vivants. Il faut dire que depuis quelques années un drôle de virus transforme lentement ses voisins, amis et sa famille en espèces de créatures assoiffées de sang et de démonstrations vulgaires. A priori unique survivant de cette épidémie, il décide, quand il n'est pas occupé à se saoûler ou à planter des pieux, d'explorer le côté "rationnel" de la chose. Et c'est bien là tout l'intérêt du livre !
D'abord bien dépressif, notre (anti ?) héros va peu à peu découvrir le pourquoi du comment. Autodidacte, il mène activement ses recherches et nous dévoile graduellement, mais en gardant assez de mystère, la véritable nature du vampire. Bye bye aux mystifications et bonjour la bio-chimie, au revoir la légende et bienvenue la raison. Il serait injuste d'accuser ce bon vieux Richard de diagnostics insipides, le livre date de 1954 tout de même !
Plus profondément, et si on s'attache à creuser la petite substance de cette petite fiction, on découvre quelque chose de bien plus intéressant qu'une explication trop raisonnable du démon. La curiosité nous pousse à en savoir plus mais par un savant mélange entre flashbacks et instant présent, Matheson nous révèle comment l'homme, devenu ultime légionnaire d'un combat perdu d'avance, s'en remet à la vie elle-même et à ses affres spirituelles. Le regret, le désir, la peine, l'oubli, la tentative d'oublier... tant de raisons de ne plus s'accrocher et pourtant, il résiste Robert. Comment réagirions-nous dans son cas ? L'introspection qui suit automatiquement la lecture nous fait plonger dans nos propres abîmes, ce que l'auteur a sans doute voulu.
Bref, un roman pas trop ficelé mais trop court qui nous emmène au-delà de la simple constatation, avec une fin en chute libre et une phrase de conclusion tout bonnement exultante.
Alors, quid du soleil, quid des crocs ? A vous de le découvrir...