C'est avec plaisir que je retrouve la plume de ma compatriote Barbara Abel qui comme à l'habitude a le chic de mettre en scène des gens tout à fait ordinaires, comme vous et moi, à qui il arrive des choses extraordinaires. Il suffit d'un tout petit grain de sable pour que le système se bloque et que l'on bascule dans l'horreur.
Elle s'attaque ici comme le sous-entend le titre à la notion de l'amour sous toutes ses formes : le premier amour, l'amour filial, paternel, entre ados, parental mais aussi l'amour-haine car au final la frontière est si mince. Ne ressent-on pas la même chose ou presque lorsque l'on aime ou déteste une personne, elle est continuellement dans vos pensées, une accélération du rythme cardiaque lorsqu'elle apparaît dans votre entourage, et ce picotement sur le coeur, cette tension, cette angoisse.
Barbara Abel aborde la faille recomposée. L'amour est-il le même pour ses enfants que pour ceux de son conjoint ? Est-ce valable également à double sens ? Pas évident. Il faut trouver sa place, ne pas remplacer le parent de l'autre, pas simple. Protège-t-on les enfants de la même façon ? Pas toujours simple lorsqu'il faut faire des choix.
Un autre regard sans doute au terme de ce roman. Les personnages sont bien ficelés. Il s'agit d'une petite brique mais on ne s'en rend pas compte car les pages tournent très rapidement.
Plantons le décor.
Trois femmes, trois mères, trois types de famille qui à priori n'auraient pas dû s'affronter, des destins bouleversés.
Maude dans la famille recomposée, j'en parle de suite
Nicole (54 ans) greffière, mère célibataire (celle de Bruno)
Solange (46 ans) agent immobilier, couple classique, mère de Thibaut 7 ans.
Maude est artiste portraitiste, c'est la maman de Suzie (11) et Arthur (15), elle vit dans sa maison avec Simon (chirurgien) le père d 'Alice (18 ans). Alice va connaître son premier amour (Bruno). Les relations ne sont pas toujours faciles avec Maude, et lorsque celle-ci va la surprendre à fumer un joint dans sa chambre, elle ne dira rien à Simon suite aux supplications d'Alice. Cela les rapprochera un peu mais Maude se sent coupable de n'avoir rien dit à Simon. Ce silence va être déterminant et faire basculer l'histoire.
Je ne vous en dis pas plus, leurs destins vont se croiser, s'entrechoquer. Il faudra faire des choix.
La tension est bien décrite et palpable. La lecture est addictive. Barbara Abel comme à chaque fois nous écrit le quotidien ordinaire, la vie quoi mais soudain tout bascule dans l'horreur.
C'est super bien mené, l'écriture est entraînante. Un super moment, un bon cru.
Ma note : 9/10
Les jolies phrases
Devenir parent modifie à jamais deux émotions : l'amour et la peur.
Nicole sait qu'un joli minois peut cacher un tempérament pervers. L'amour rend aveugle, dit-on. C'est à elle à présent de dessiller les yeux de son fils, malgré lui s'il le faut. C'est son devoir de mère de protéger son enfant des prédateurs et autres nuisibles capables de le mener à sa perte.
Une famille recomposée, c'est comme une greffe : on ne sait jamais si ça va prendre.
L'ex mari, c'est le meilleur ennemi de la famille recomposée. Celui qui va tout faire pour que ça ne fonctionne pas.
Suzie se console en se disant que s'ils se détestent autant, c'est qu'ils vont s'aimer beaucoup. Il y a trois semaines, une analyse de texte en cours de français lui avait fait considérer la chose sous un angle plus complexe : "Ah ! Je l'ai trop aimé pour ne point le haïr ! " déclamait Hermione dans Andromaque de Racine.
La force d'une haine est souvent à la mesure de l'amour qui nous anime.
L'amour est une bride dont les oeillères cachent l'essentiel.
A quoi sert la justice ? Protéger, décider, sanctionner.
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