"L'eau des collines", dont est tiré "Jean de Florette", est la plus belle histoire que Pagnol n'ait jamais produite. C'est une véritable leçon de littérature. Tout d'abord, c'est un véritable hymne à la campagne provençale. Le vocabulaire est riche et sent le romarin d'ici. Les dialogues sont soignés aux petits oignons, même les prénoms des personnages sortent de l'ordinaire et apportent leurs touches de poésie. Mais le plus fort, c'est tout de même l'intrigue: bordel, quelle histoire ! Nous avons, à travers ces personnages aux objectifs divers et pourtant ayant des points communs, une véritable peinture de la nature humaine, prête à tout pour son profit, ainsi que des lois qu'il s’est imposé pour gagner sa vie. Et ce depuis des millénaires. Il remonte à un meurtre qui se pratique anonymement, depuis des siècles: le meurtre indirect, achevé par le surmenage. On observe ce Bossu qui n'a que la théorie, qui ne sera aidé par personne (les villageois ne se basent que sur une rumeur pour ne pas lui porter secours), et on compatit pour sa souffrance. On croit dur comme fer pour lui, on oublie même le destin inévitable qui l'attend. On devrait haïr Ugolin et le Papet, mais on n'y parvient pas. Parce qu'eux aussi sont une face de nous. Toute cette tragédie est représentatif de l' Humain, dont "Jean de Florette" représenterait le Désespoir, contrairement à "Manon des Sources". Il est impossible de décrocher l’œil de ces lignes qui nous parlent comme si nous étions de vrais paysans, qui nous immergent dans ce monde cocasse que Pagnol a si bien su nous décrire... Les cigales même n'ont pas besoin d'être décrits, on les entend d'ici.
"Quand on a commencé à étrangler le chat, il faut le finir !". Quand on a commencé à le lire, on le finit !