Jérémiades

Ce texte, comme la plupart des textes prophétiques de l'Ancien Testament, est en réalité un collage d'écrits d'auteurs et de dates fort variés. On peut toujours ironiser en découvrant que certaines de ces prophéties ont été écrites post eventum, c'est-à-dire que l'annonce de l'évènement a lieu après l'évènement.

Si le livre de Jérémie n'est pas drôle, c'est parce qu'il parle à un peuple en période de catastrophe: les peuples du Nord, les Babyloniens sont sur le point de s'emparer du royaume d'Israël et de Jérusalem. Ses textes, remplis de menaces de vengeance de Iahvé, d'appel à refuser les biens de ce monde en guise de purification, d'attaques contre les idolâtres, ont contribué à faire naître le terme bien péjoratif de "jérémiades", pour désigner une longue série de plaintes grincheuses et passéistes.

Plus grave pour un lecteur formaté depuis l'enfance à concevoir sa vie en fonction de la Seconde Guerre Mondiale: en son temps, Jérémie est un collaborateur, il accepte la domination de Nabuchodonosor, et déteste les ennemis de celui-ci, comme les Egyptiens. L'existence dans le livre d'oracles hostiles aux Babyloniens prouve seulement qu'ils sont l'oeuvre d'autres auteurs.

Jérémie parle assez souvent en termes de symboles et de visions, qui doivent être décryptés en fonction du contexte ethno-politique du temps, ce qui n'est pas toujours commode. Il annonce d'autres livres de la Bible, par exemple Le Cantique des Cantiques, en considérant la foule des fidèles comme l' "épouse" de Iahvé; en parlant de la Maison de Iahvé devenue "une caverne de larrons" (repris par Jésus-Christ).

Le texte lui-même est très composite: poèmes enflammés d'indignation, narrations historiques, citations de la Parole de Dieu. Entre présages déprimants et promesses de rédemption, le livre de Jérémie est sombre, mais empreint de cette fougue prophétique qui soulève plus encore le Livre d'Isaïe.