"John Barleycorn" (ou "Le cabaret de la Dernière Chance") est une autobiographie de Jack London sur le thème de l'alcoolisme, publiée en 1913, trois ans avant sa mort.
De cet immense écrivain vous connaissez sans doute les récits du Grand Nord ou du Pacifique. London a eu une existence bien remplie, d'autodidacte et d'aventurier. C'était un personnage d'une énergie peu commune. Malheureusement il est mort à 40 ans rongé par son addiction à l'alcool. Dans ces mémoires d'alcoolique, il raconte les différentes étapes de sa vie: son enfance pauvre à Oakland, son activité clandestine de pêcheur d'huîtres, ses errances avec les vagabonds du rail, ses périples au Klondike et dans les mers du Sud, son amour de l'étude, puis sa vie d'écrivain populaire dans le ranch de la Vallée de la Lune... Mais à chaque phase de son parcours, John Barleycorn, personnification américaine de l'alcool, tenait compagnie à London. L'auteur explique ainsi comment - après sa première cuite à l'âge de 5 ans -, il est devenu progressivement grand buveur, puis alcoolique dépendant, en proie à la dépression. Pour lui la société est la cause de cette déchéance, car à l'époque toutes les relations sociales entre hommes impliquent l'alcool - de la camaraderie de matelots aux dîners chics des gens de lettres. Pour attirer plus de buveurs dans ses filets, John Barleycorn se donne une image attrayante, celle de la chaleur du cabaret, celle de la convivialité et même de l'aventure. Le livre se termine sur un réquisitoire contre l'alcoolisme en tant qu'institution sociale. London souhaite d'ailleurs la mise en place de la prohibition. Il croit fermement que dans des temps futurs, plus radieux, plus civilisés, le cabaret sera banni et les jeunes gens plus sains. Il serait peut-être déçu de visiter notre époque...
Ayant récemment lu "Martin Eden", un roman fortement autobiographique, j'ai trouvé très intéressant de comparer les deux livres. D'autre part, ces confessions d'alcoolique, entreprises à la demande de sa femme, sont très touchantes car elles nous livrent avec sincérité ses rêves et ses angoisses existentielles. On en apprend aussi beaucoup sur son travail d'écrivain. Mais ce livre est avant tout une étude sur les effets cliniques et psychologiques de l'alcool, à travers de nombreuses anecdotes servies par la plume captivante de London. Je vous recommande fortement cette lecture pour entrer dans l'intimité d'un génie américain.