Journal du voleur par CorwinD
La prose de Jean Genet est extraordinaire. Elle colore le récit de nuances insoupçonnées, renverse l'ordre moral, pousse la fange au pinacle des valeurs. La conscience de l'abject, du sordide, n'enlève en rien la beauté suprême de l'amour, aussi dévoyé soit-il, qui transpire à longueur de page du "journal du voleur".
Jean Genet est unique, il est à la fois universel et clivant, charmeur et repoussant. Il s'oppose à son lecteur (qui représente l'opposé de l'idéal recherché dans le récit) autant qu'il l'accompagne et l'entraîne au cœur d'une société codée, que Jean Genet transgresse autant que la "bonne société" qu'il fuit avec insistance. Il trahit en effet autant les membres de sa coterie que les autres, cherchant à se faire haïr autant qu'à se faire aimer.
Genet qui pour paraphraser Desproges, fait éclore la plus délicate rose sur un lit de fange, raconte autant qu'il fantasme ses errances à travers l'Europe de l'entre deux guerres et livre un objet unique, un des plus beaux textes du XXe siècle.
"Par l'écriture j'ai obtenu ce que je cherchais. Ce qui, m'étant un enseignement, me guidera, ce n'est pas ce que j'ai vécu mais le ton sur lequel je le rapporte. Non les anecdotes mais l'œuvre d'art. Non ma vie mais son interprétation. C'est ce que m'offre le langage pour l'évoquer, pour parler d'elle, la traduire. Réussir ma légende. Je sais ce que je veux. Je sais où je vais."