Valentine Goby relate ici l'histoire de Mila, jeune femme qui a été déporté à Ravensbrück, camp nazi qui compte plus de quarante mille femmes en 1944. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent Mila survit, elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
"Cette pouponnière affirmait radicalement que survivre, ce serait abolir la frontière entre le dedans et le dehors du camp. Envisager le camp comme un lieu de la vie ordinaire, être aveugle aux barbelés. Et donc, se laver, se coiffer, continuer à apprendre, à rire, à chanter, à se nourrir et même, à mettre au monde, à élever des enfants ; à faire comme si. J’ai écrit ce roman pour cela, dire ce courage fou à regarder le camp non comme un territoire hors du monde, mais comme une partie de lui. Ces femmes n’étaient pas toutes des héroïnes, des militantes chevronnées, aguerries par la politique et la Résistance. Leur héroïsme, je le vois dans l’accomplissement des gestes minuscules du quotidien dans le camp, et dans ce soin donné aux plus fragiles, les nourrissons, pour qu’ils fassent eux aussi leur travail d’humain, qui est de ne pas mourir avant la mort. Mila, mon personnage fictif, est l’une de ces femmes. Kinderzimmer est un roman grave, mais un roman de la lumière.» écrit Valentine Goby.
Dans un style très direct, écrit au présent, Valentine Goby rend compte de tous ces gestes quotidiens, cette volonté farouche de survivre, la solidarité entre femmes et les moments terribles quand les meilleurs amies de Mila meurent les unes après les autres.
La kinderzimmer était une pièce avec deux lits de deux étages superposés, jusqu'à 40 bébés y sont couchés en travers des châlits. Ni hygiène, ni couches, ni biberons, ni tétines ; la solidarité du camp apporte un peu de linge, des petites bouteilles et du lait mais n'évite pas la disparition de presque tous les enfants
La romancière a rencontré quelques personnes nées à Ravensbruck qui ont survécu (on en a dénombré à peine une quarantaine dont seulement 3 français, sur les 500 naissances consignées) et elle s'est inspirée de l'histoire de Marie-Josée Chombart de Lauwe, qui a été la seule puéricultrice française à avoir exercé dans la kinderzimmer. Elle avait dix-sept ans.