Il y a des livres oubliés à peine lus et d'autres qui vous marquent longtemps, qui continuent à vous questionner...
King Kong théorie fait, très nettement, partie de la seconde catégorie.
Certains concepts développés par Virginie Despentes me parlent totalement, d'autres un tantinet moins.
J'adhère complètement à son analyse concernant l'asservissement général sous couvert de domination masculine et suis passablement surprise que cette vision n'ait pas eu plus d'écho...
La majorité des hommes n'ont peut-être pas pas conscience d'être bridés par des diktats de virilité, suffisamment conscience du danger, ayant la fallacieuse impression d'avoir "la meilleure place" et les femmes assez de combats à mener pour trouver du temps pour celui-ci.
C'est la même société, qui trouve amoral la prostitution et met les prostitué(e)s en danger en les écartant des centres villes (cachez ces sexes et/ou seins que je ne saurais voir et laissez vous agresser gentiment), qui pénalise à tout va sans écouter les premier(e)s concerné(e)s, qui va trouver tout à fait normal les métiers avilissants sous-payés, les temps partiels imposés, les retraites chapeaux et autres saloperies libérales.
Et, oui, encore au XXIème siècle, une auteure, actrice, femme politique ou autre personnalité publique sera jugée d'abord sur son apparence physique avant d'être jugée sur son talent ou sa compétence, contrairement à un homme; et ce qui est triste, c'est que des femmes participeront de cela.
Et, oui, encore au XXIème siècle, une femme doit intégrer dans son schéma mental et dans son organisation de vie qu'elle n'est pas en sécurité seule à certains endroits ou moments de la journée et, oui, elle doit faire avec si elle veut vivre normalement (comme un homme?!) et sortir de chez elle quand elle en a envie.
Je trouve particulièrement salutaire sa franchise et la crudité de ses propos (d'aucuns appelleront cela de la vulgarité, voire du vice).
Arrêtons de tourner autour du pot et appelons un chat un chat et en l'occurrence une chatte.
Assez de cette hypocrisie, de cette société encore très judéo-chrétienne où presque tout le monde ne "pense qu'à ça", fantasme sur "des trucs sales" mais où c'est encore un peu mal vu, un peu tabou de parler de sexe, surtout quand on est une femme.
Maintenant encore, un homme sera considéré comme "coquin" et une femme comme "cochonne" ou "salope".
En revanche, je trouve dommage que l'auteure passe très rapidement (mette un voile pudique, c'est un comble) sur certains aspects plus que trash de la vie des prostitué(e)s ou hardeur(euse)s.
En effet, si j'admets complètement que l'on puisse, homme ou femme, choisir ces métiers, j'ai du mal à admettre qu'on puisse faire une péridurale à une fille pour "l'aider" à supporter la douleur d'une triple pénétration!
Triple pénétration que des gamins peu ou pas informés vont imaginer tout à fait réalisable dans la "vraie vie".
Contrairement à Virginie Despentes, je ne pense pas que la pornographie ait été interdite "en clair" pour être réservée à une élite, mais plutôt par morale bête et mal comprise, sans penser un seul instant que plus une chose est interdite et "cachée", plus elle est désirable, il suffit de voir les résultats de la prohibition aux États-Unis dans les années 20-30 ou de l'interdiction du Cannabis actuellement...
Et c'est passer un peu vite sur les réseaux de prostitution particulièrement violents.
Pour finir sur les aspects qui m'ont laissée perplexe ou sceptique, je trouve aussi dommage de ne considérer le mariage ou la vie commune que comme un échange sexe contre sécurité.
Il y a nettement plus de femmes qui travaillent que dans les années 50 ou 60, qui disposent de leur propre compte en banque et je l'espère de leur propre corps; on peut vivre en couple et que l'échange soit harmonieux et "équitable", sexe et complicité contre sexe et complicité, plaisir contre plaisir (physique comme plaisir d'être ensemble, tout simplement).
J'en retiens, malgré ces restrictions, une impression fortement positive, d'intelligence vive et de prescience sociale, indispensables en ces temps troublés, dont beaucoup gagneraient à s'inspirer.