De Klara et le soleil on pourrait ne retenir que son interrogation sur l'intelligence artificielle, ses capacités, ses limites et ce qui le rapproche ou l'éloigne de nous et de notre intelligence. Ca ne pourrait être qu'une fiction de SF lisse, qui questionne sans questionner, apporte des éléments déjà connus et n'en fait rien, si ce n'est les éluder en toute fin de récit au profit des émotions humaines et de leurs couches de complexité perceptibles par l'IA mais jamais reproductible.
C'est un petit peu de ça, mais c'est surtout autre chose.
Le rapport à l'IA dans le livre est tributaire du gouffre générationnel qui sépare Kazuo Ishiguro (66 ans au moment de la sortie de Klara et le soleil) et son lectorat.
En effet, un lectorat jeune ne se sentira qu'effleuré par son approche de la question de l'intelligence artificielle, nombre de médias abondent déjà dans l'étude de celle-ci, et Klara et le soleil ne semble alors qu'être d'une légèreté déconcertante quand on voit l'apport de certaines œuvres sur le sujet (de L'homme bicentenaire d'Asimov en passant par AI de Spielberg jusqu'au Cyberpunk 2077 de CD Projekt).
Il me semble en fait que le sujet n'est qu'un prétexte au vrai thème du livre, qui ne transparait malheureusement qu'aux deux tiers du livre, une réflexion sur la vie et sur la mort.
En effet Klara naît à la première page et se meurt à la dernière, entre temps elle découvrira le monde, son monde. Elle le nommera de manière poétique et lui créera une mythologie avec ses dieux (le soleil) et ses démons (le taureau).
Elle devient, au fur et à mesure du récit, une allégorie de l'humain, de sa naissance à sa mort avec ses rêves et ses cauchemars, ses croyances et ses certitudes, et bien souvent les uns teintent les autres de leurs couleurs.
Le livre est poétique mais passe à coté de quelque chose en ne se servant de son thème que comme d'un prétexte à nous raconter cette belle allégorie.
La réflexion sur nous-même est belle à bien des égards, mais elle est tardive. Le texte prend le temps de perdre son lecteur au profit de mystères qui une fois révélés nous semble bien anecdotiques et finalement assez attendus.
On pourra tout de même tirer du fond de l'œuvre son approche philosophique de la dualité vie/mort, ainsi que son traitement de la complexité de l'âme.
Dans sa forme on retiendra sa propension à l'invention verbale parsemant de poésie un monde rude et pollué.
1er livre de Kazuo Ishiguro pour moi, un peu déçu mais le moment de lecture fut tout de même plaisant et le dernier tiers du livre mérite bien qu'on se fasse violence lors de la lecture de ses deux premiers, qui prennent alors bien plus de sens et revêtent ainsi d'un caractère presque prophétique.