« Nous ne saurons jamais comment vivre, mais nous y mettrons toutes nos forces » : c’est la phrase qui ponctue généralement les concerts de Catastrophe, le groupe dans lequel Blandine Rinkel chante. Une phrase qui pourrait également figurer sur un des post-it qui, par dizaines, recouvrent le frigo de Jeanine, parmi lesquels on peut lire la question « qu’est-ce qu’une vie réussie ? ».
Car Jeanine, à défaut de certitudes quant à savoir si sa vie est réussie ou non, la vit effectivement de toutes ses forces. Professeure de langues, passionnée par l’étranger sous tous ses aspects, elle se lie aussi bien avec Sarah, une camionneuse fêtarde, Moussa, un Syrien passé par la Tunisie pour gagner la France, ou Carmen, une vieille espagnole en mal de compagnie - quitte à ce que certaines de ces relations profitent un peu trop de sa bonté.
En 65 vignettes, l’Abandon des prétentions raconte cette grande histoire d’amour : celle de Jeanine pour les autres, quels qu’ils soient. Blandine Rinkel y fait le portrait, lumineux, de sa mère et de chacun des personnages qui traversent, même fugacement, sa vie. On y lit une grande affection, mais aussi par touches pudiques, les moments d’agacement, d’incompréhension, qui émaillent leur relation.
C’est un petit roman précieux, plein de tendresse, qui questionne notre façon d’interagir avec les autres, dans ce qu’elle a de calculé ou non, précisément parce que Jeanine ne calcule jamais. Un premier roman sentimental - dans le bon sens, doux et empathique, du terme -, parfois encore un peu embarrassé de l’application charmante que mettent les anciens très bons élèves (je veux bien parier, vu ses nombreux talents, que Blandine Rinkel en était une) à écrire leurs premiers livres, mais où se discerne par instants le phrasé rythmique et ondulant qui fait la saveur des chansons de Catastrophe.