L'adieu aux armes, c'est l'abandon de ses responsabilités, de sa culpabilité, de sa honte. Non pas l'abandon de toutes ses responsabilités, mais seulement de celles qui sont fausses, absurdes, ou sur lesquelles on n'a aucun contrôle.
L'atrocité de la guerre est dépeinte au rythme où elle existe, ni trop, ni trop peu, sans passion. La guerre a ses agréments aussi, la camaraderie, l'accueil des villageois, le vin et ses surprises, parfois bon, parfois mauvais, mais jamais décrit en ces termes.
Une chose est sûre : à choisir, on préférerait ne pas y être.
L'amour, lui, a ce double effet de rendre la guerre plus supportable et moins supportable. On aime s'imaginer dans les bras de son amie, on y trouve du réconfort dans les pires moments, mais la réalité est d'autant plus dure que ce rêve est doux.
Alors on fuit la guerre, parce qu'on ne veut pas mourir bêtement, bête comme de la chaire à canon, sans plus de raison de mourir qu'un autre, juste le hasard.
En exerçant du contrôle on réduit le chaos. Mais il y a toujours une part de chaos, irréductible, qui échappe à toute possibilité de contrôle.
C'est, à mon sens, le message principal du livre, et celui avec lequel il faut repartir. On a beau faire tout ce que l'on peut, il y aura toujours une part de chaos. Cela signifie qu'on n'est pas toujours responsable, et qu'il ne sert à rien de lutter. L'adieu aux armes est double. Il fait référence à la fois à la désertion, mais aussi à l'acceptation, qui doit exister dans tout processus de deuil réussi, une fois qu'on a identifié tout ce qu'on aurait pu faire, ce qui n'est souvent pas grand chose.
On se sent complètement immergé dans le récit grâce aux brillantes descriptions d'Hemingway, ancrées dans la nature, les éléments, les sensations, ce qui les rend universelles et familières. On a presque l'impression d'avoir vraiment vécu certaines péripéties, comme si les souvenirs d'un autre s'étaient mêlés aux nôtres.
On est parfois surpris d'être pris d'une vive émotion à la lecture de certains passages, et on se rend compte de la subtilité paradoxale avec laquelle Hemingway, par son style dépouillé, et le peu d'évocation des sentiments des personnages, nous fait ressentir leurs émotions.