"Les hommes ne naissent pas libres. Ils le deviennent."
C'est un brillant essais que nous propose ici Mohammed Aïssaoui. Il raconte l'histoire véritable d'un homme, d'un esclave, Furcy, qui à l'âge de 31 ans décide de se rendre au tribunal d'instance de Saint-Denis pour exiger sa liberté lui revenant de pleins droit puisque né d'une mère affranchie. La scène se passe à l'île Bourbon, plus connue de nos jours sous l’appellation de l'île de la Réunion, ou le système esclavagiste va de pleins fouets (excusez moi l'expression). Comme le dira Gilbert Boucher, procureur général de l'île Bourbon et défenseur et ami de Furcy: il suffit d'observer le modèle économique d'une époque pour voir comment il fonctionne: "le noir" est un "bien" précieux (j'emploie ici le mot "bien" puisqu'ils étaient considérés au même titre que les meubles) qui rapporte gros aux colonialistes. Et Furcy ne fait pas exception. Ainsi c'est lorsque cet homme de couleur, père de famille et esclave libre, assigne son maître à comparaitre au tribunal de grande instance pour devenir un homme libre au yeux de la lois (ce qui voulait dire à cette époque avoir un extrait de naissance, pouvoir se marier, recouvrer un nom de famille et par conséquent en pourvoir un à ses enfants pour des générations à venir, rétablir une identité propre) qu'on réalise que son destin ne lui appartient déjà plus et que les dés sont jetés. Mais Furcy s'en rendait-il compte alors? Quel destin attend ce jeune homme de couleur qui, dans la maturité de l'âge, ose défier son maître à la cours?
L'affaire un peu complexe de l'esclave Furcy fait résonner en nous les écrits de Labbé Pierre, Bernadin de Saint-Pierre, Diderot ou encore Montesquieu. Elle questionne et nous questionne: qu'aurions-nous fait à sa place? Comment aurions-nous réagit en tant que colonialistes? Aurions-nous été plus juste? Plus humain? Plus tolérants? On ne sait que très peu de choses sur Furcy puisque comme le dira Hubert Gerbeau "l'histoire de l'esclavage est une histoire sans archives" mais ce qu'on retient de cet essais bouleversant et révoltant c'est que c'est "l'autre qui fait avancer le monde": "Qu'est-ce qui pousse un homme à tendre la main à un autre?", une cause et des valeurs communes à tout un chacun. Celle de la liberté, celle du droit humain, celle de l'humanité. Ainsi grâce à ses alliés et grâce à cet espoir intarissable Furcy ne lâchera-t-il jamais l'affaire. C'est cette image forte que nous véhicule ici Aïssaoui et qui ne quitte désormais plus mon esprit: celle d'un homme se tenant droit, déclaration des droits de l'homme en main au regard impassible qui "opposera le silence à l'injustice" qui lui sera faite toutes ces années durant.
26 ans, c'est le temps qu'il faudra à Furcy pour briser ses fers et devenir un homme libre. 26 ans, soit 5 ans avant l'abolition de l'esclavage! Aïssaoui nous questionne une fois encore: ce combat valait-il tant de sacrifices? On rappelle que Furcy fût déporté loin de sa femme et de ses enfants, qu'il ne vit jamais grandir. Mais une fois de plus on se rappelle de cette maxime: c'est "l'autre qui fait avancer le monde", en bien ou en mal. C'est ces hommes, seuls, qui osent se battre pour des causes, pour des idéaux, pour leurs droits, qui ont fait avancer les choses et ont mené à l'abolition de l'esclavage mais pas que, on parle ici de constat historique de manière générale. Aurions-nous eut le cran nous, de nous lever pour défendre une idéologie au risque de tout perdre, amis, famille, et argent? Aurions nous eut le courage de Boucher, Sully-Brunet, aurions-nous osé?
Furcy est un exemple pour tous et questionne ce dont nous somme faits, mais aussi ce que nous pouvons aspirer à devenir.
Qu'un homme dont ont sait si peu de choses fasse naître en moi l'étincelle de la résistance à ce point suffit à en faire à mes yeux un héros. Furcy bien plus qu'un nom, un espoir.